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La vestibulopathie bilatérale idiopathique (VBI), aussi appelée déficit vestibulaire bilatéral idiopathique ou encore aréflexie vestibulaire bilatérale idiopathique, est une maladie rare caractérisée par la perte de l’organe de l’équilibre dans les deux oreilles.
La maladie est dite idiopathique lorsque la cause est inconnue.
Il s’ensuit une perte des capacités d’équilibration et d’orientation dans l’environnement se traduisant par une série de symptômes bizarres : instabilité visuelle, sensation de flou, de flottement, d’ébriété, perte de repères dans l’espace, troubles de l’équilibre, vertiges…
Ces symptômes chroniques sont aggravés par la fatigue, par l’obscurité ou encore en terrain instable ou tortueux, dans l’eau (en mer ou piscine) ou encore dans des environnements visuels mobiles (foule, trafic, défilement du décor, écrans…)
En raison de ces symptômes inhabituels, et parce que c’est une maladie encore mal connue, le diagnostic est souvent tardif (en moyenne 3 ans), après bien des années d’explorations diverses et de consultations auprès de médecins et spécialistes, principalement oto-rhino-laryngologistes (ORL) et neurologues…
Que le début soit brutal ou plus progressif, les symptômes, le handicap vécu dans la vie quotidienne et l’errance diagnostique expliquent la détresse de ces patients.
C’est pourquoi l’Association Française de la Vestibulopathie Bilatérale Idiopathique (AFVBI) a décidé d’éditer ce document avec deux objectifs principaux :
Cette publication est le résultat d’une collaboration soignants-soignés qui s’adresse à la fois :
Nous demandons donc à nos lecteurs une certaine compréhension face à cette production qui, en visant plusieurs publics, peut désorienter.
Nous espérons que chacun pourra y puiser ce qui peut l’intéresser.
Pour les novices, une première lecture simplifiée peut s’effectuer en ne lisant successivement que les encadrés « en bref » et les témoignages.
La lecture linéaire de l’ouvrage permettra de s’informer plus en profondeur sur la maladie et de découvrir les dernières avancées médicales sur le sujet.
Nous espérons aussi qu’une fois le diagnostic posé, cet ouvrage facilitera la vie du malade en lui permettant de retrouver les explications des professionnels de santé pour mieux les appréhender.
Un glossaire, une liste de ressources pour les malades et les professionnels de santé, ainsi que des trucs et astuces complètent le tout.
Grâce aux progrès de la science, les vestibulopathies bilatérales seront de moins en moins idiopathiques.
Ce livret concerne aussi les vestibulopathies à causes connues, les « apparentées », puisque la symptomatologie en est identique.
Cette version numérique sera régulièrement actualisée en fonction de l’avancée des connaissances.
Monique EVRARD
Présidente de l’AFVBI
Les liens dans le corps du texte renvoient aux entrées du glossaire.
Ça commence souvent par les murs qui se mettent à bouger en continu. Le sentiment d’être instable ou ivre dès que l’on bouge. Les visages des personnes que l’on croise en marchant sont flous au point de devoir s’arrêter pour les reconnaître. En mouvement, il devient impossible de lire les panneaux de circulations pour la même raison : le flou. Comme pour Monique, lire un livre ou une partition de musique devient très difficile.
Ces symptômes bizarres et les troubles de l’équilibre augmentent avec la fatigue, les sols irréguliers et l’obscurité. Comme pour Françoise, qui titube sur le trottoir quand l’éclairage public n’est pas assez fort ou, comme pour Emmanuel, qui a du mal à s’orienter dans sa chambre à coucher quand il y fait noir.
Si ces expériences vous parlent, c’est probablement que vous avez perdu une des sources sensorielles indispensables à l’équilibration (les organes de l’équilibre des deux oreilles internes, la sensibilité des membres inférieurs, certains aspects de la vision utiles à l’équilibration) ou une difficulté à réaliser des mouvements précis (par exemple lors de lésions du cervelet). Le vestibule est l’un des organes qui assurent un rôle essentiel dans l’équilibre On y fait souvent référence en parlant de façon assez vague de « l’oreille interne » car c’est là qu’il se situe. Nous en avons deux : un dans chaque oreille. Dans notre cas, ce sont les deux qui font défaut, à droite et à gauche. On parle donc de vestibulopathie bilatérale.
Les symptômes évoqués ci-dessus sont partagés par la plupart des malades avec plus ou moins d’intensité. En plus de la fatigue et l’obscurité, il existe d’autres facteurs aggravants comme l’immersion dans l’eau ou la marche dans un environnement difficile (foule, terrain instable, rayonnages).
Pour certains, l’eau occasionne une dangereuse perte de repères ou les « bouscule », leur faisant perdre toute possibilité d’équilibre et d’orientation. Monique, alors qu’elle nageait, s’est sentie complètement désorientée en mettant la tête sous l’eau. À tel point qu’il ne lui était plus possible de savoir où était la surface. Jean-Pierre s’interdit désormais de plonger s’il est seul, de peur de ne pouvoir se diriger vers la surface après le saut. L’eau peut aussi se révéler un miroir éblouissant et mouvant qui peut faire vaciller.
Une foule dense et mouvante comme celle que l’on peut croiser dans les magasins un samedi après-midi fait perdre pied à certains. La maîtrise de l’équilibre nécessite alors une très grande attention et donc entraîne une fatigue accentuée qui dissuade de l’activité shopping. Yvette a la sensation que « les gens l’engloutissent ». Cette situation peut alors engendrer un mal être et un sentiment oppressant de vulnérabilité.
Le sable, la boue, le verglas sont autant de terrains instables sur lesquels il devient très difficile de se mouvoir. Emmanuel raconte que ses camarades de bivouac l’ont cru ivre tant il titubait à essayer de monter une tente sur du sable dans un terrain en pente.
Monique explique également que parcourir les rayons d’une librairie, ce qui nécessite de bouger la tête (la pencher en particulier) et de s’attarder pour lire les tranches ou les étiquettes, lui demande une concentration sans faille et engendre rapidement de la fatigue.
L’excès de lumière, un soleil éblouissant par exemple, peut aussi occasionner une forte gêne. La pluie ou la neige qui tombent sont aussi susceptibles de brouiller les repères visuels et de générer une perte d’équilibre.
Nous allons voir pourquoi vous pouvez ressentir ces symptômes et quels sont les processus physiologiques en cause.
Les symptômes des déficits vestibulaires bilatéraux idiopathiques :
Il existe des facteurs aggravants comme la fatigue, l’obscurité, l’immersion dans l’eau ou la marche dans un environnement difficile (foule, terrain instable, rayonnages…).
Devant de tels symptômes le praticien fait exécuter des examens vestibulaires cliniques qui vont confirmer ou infirmer le diagnostic de vestibulopathie bilatérale. |
Michel TOUPET, Christian VAN NECHEL
Dans l’antiquité, cinq sens ont été décrits : la vue, l’audition, le toucher, le goût et l’odorat. La perte d’un de ces sens apparaît de façon très concrète à tout le monde. Perdre la vue, c’est devenir aveugle. Perdre l’audition, c’est devenir sourd…
L’équilibre, comme l’orientation dans son environnement, constituent un 6e sens, beaucoup moins connu, complexe et plus difficile à appréhender. Beaucoup d’entre nous ne savent pas qu’ils ont un appareil vestibulaire (organe de l’équilibre) et, pour les patients, c’est quand ils perdent cette fonction qu’ils découvrent son existence. Ils ne savent pas relier leurs symptômes à une perte sensorielle. C’est l’une des raisons pour lesquelles le diagnostic est souvent tardif. C’est aussi pourquoi leur entourage peine à comprendre ce qui leur arrive.
Pourtant, ce 6e sens, nous apprenons à le maîtriser pendant toute notre enfance : en apprenant à se tenir debout, à marcher, courir, sauter, faire du vélo, du ski ou d’autres sports de glisse et déplacement… ou encore, tout simplement en apprenant à contrôler nos gestes.
D’ailleurs, à quoi ça sert l’équilibre ? C’est une réponse à la pesanteur (ou force de gravité) que subissent tous les êtres vivants sur Terre et qui fait qu’à tout instant nous sommes attirés vers le sol. L’évolution nous a fait nous mettre debout et l’équilibre est la faculté dont l’être humain s’est doté pour que notre corps puisse se mouvoir en maintenant sa verticalité.
Les récepteurs visuels fournissent des références verticales et horizontales et cherchent à distinguer les déplacements des images sur la rétine qui résultent des mouvements de la tête, des déplacements des objets regardés. Les récepteurs labyrinthiques fournissent une direction de l'axe gravitaire et quantifient les mouvements de la tête dans l'espace. Les récepteurs musculaires et tendineux informent le système nerveux des positions relatives de la tête et des segments du corps. |
Le vestibule ou appareil vestibulaire est situé dans l’oreille interne (ou labyrinthe) ; il y en a un dans chacune des deux oreilles. Ils fonctionnent donc en binôme.
Le vestibule est composé de 5 cavités contenant 5 systèmes de capteurs : 3 canaux semi-circulaires (canal horizontal, antérieur et postérieur), et 2 petites poches, l’utricule et le saccule, aussi appelés organes otolithiques. Ces capteurs nous permettent, normalement, de situer en permanence l’orientation et les mouvements de la tête par rapport à l’axe gravitaire ; ils mesurent les accélérations, les inclinaisons et les rotations. Ces informations sensorielles sont transmises par le nerf vestibulaire au tronc cérébral puis au cervelet et au cerveau.
Un peu d’anatomie et de physiologie
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Le sens de l’équilibre chez l’Homme est une fonction complexe qui n’est pas que le résultat du travail du vestibule. C’est plutôt la résultante d’informations sensorielles provenant de trois sources principales.
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L’ensemble des informations sensorielles qui concourent à l’équilibre (l’œil, le vestibule, la sensibilité musculaire) converge vers les noyaux vestibulaires (en jaune sur la figure) situés à la base du cerveau. Les neurones des noyaux vestibulaires sont eux-mêmes sous contrôle du cervelet.
Comme nous l’avons vu, les deux vestibules sont des capteurs sensibles aux accélérations, aux inclinaisons et aux rotations. Ils ont un rôle prépondérant dans l’équilibre et la stabilisation du regard. Ils permettent ainsi de conserver le regard fixe tout en tournant la tête.
La vue nous offre des repères par rapport à l’environnement qui nous entoure, aux choses avec lesquelles nous interagissons.
L’action de prendre un verre sur une table sollicite notre vue en premier lieu pour savoir où est le verre.
En plus de nous informer sur ce qui nous entoure, que l’on peut considérer comme une information statique, la vue nous permet de contrôler la progression de notre corps en mouvement dans cet environnement.
C’est ainsi que nous pouvons prendre le verre.
Les vestibules et le sens musculaire nous permettent d’estimer le mouvement que nous venons de faire, alors que les yeux voient ce qui a bougé.
Notre environnement comporte de nombreuses références verticales et horizontales telles que les châssis de fenêtre et les bords des murs dans les environnements urbains mais aussi l'axe des arbres et l’horizontalité du sol dans la nature.
Ces informations contribuent très clairement à notre représentation mentale de l'axe vertical indispensable à l’équilibration.
Nous pouvons tous, y compris en absence de déficit vestibulaire, être mis en difficulté lorsque ces références visuelles sont absentes ou trompeuses.
Si notre regard est fixé sur une cible visuelle stable dans l'espace mais que notre corps est instable, nos yeux seront animés de petits mouvements pour maintenir une image stable de cette cible sur notre rétine.
Ces petits mouvements oculaires sont dès lors le reflet de notre instabilité et sont utiles pour la contrôler.
La proprioception désigne la perception, consciente ou non, de la position des différentes parties de notre corps. Nos muscles, nos tendons, les ligaments de nos articulations, nos organes de façon générale, disposent de récepteurs sensibles à l’étirement ou à la pression ; ces capteurs donnent en permanence des informations sur leur position, la vitesse de leur mouvement ou encore leur verticalité. Ces informations sont indispensables pour construire une représentation mentale de notre corps et en particulier de son centre de gravité. L'équilibration en condition statique impose que la projection de ce centre de gravité sur le sol soit dans l’espace entre les deux pieds, la base de sustentation (la surface qui permet l’équilibre). Les capteurs de pression et de position des pieds sont une source d’informations permettant de connaître les oscillations du corps et contribuent à construire une direction verticale.
C’est en combinant les informations de ces trois sources que nous assurons au mieux notre équilibre. C’est là qu’entre en jeu le cervelet.
L’information converge immédiatement dans les parties les plus archaïques du cerveau, montrant le côté essentiel à la vie de ces assemblages de perception du mouvement : le nôtre, celui des autres.
Le cervelet contrôle cette fonction d’équilibre et de vision stabilisée.
Le cervelet, organe nerveux situé en arrière du cerveau, participe à la gestion de l’équilibre et de la posture (ainsi que de la coordination des mouvements).
Il reçoit des informations des yeux, des vestibules et des propriocepteurs (via le tronc cérébral) ; il va combiner ces différentes informations, pour que nous maintenions notre équilibre et que nos mouvements soient précis.
Le cervelet ne commande pas, il supervise et donne en temps réel au cerveau un état des lieux de notre corps dans l’espace, de sa position et de la façon dont il réagit aux contraintes de vitesse et d’accélération des mouvements.
Le cervelet compare en permanence les informations sensorielles reçues et les informations attendues compte tenu des modèles internes de nos actions dont il dispose par apprentissage.
Si cette comparaison aboutit à une différence, le cervelet va générer des commandes d'ajustement de l'action et très souvent induire l'apparition d'un symptôme (dont on a conscience).
La rééducation de l'équilibre, similaire à un processus d'apprentissage, va modifier ces modèles internes pour les adapter à un éventuel déficit résiduel.
Cette gestion de l’équilibre, cette capacité de synthèse qui nous permet d’ajuster nos mouvements est un processus adaptatif ; le cervelet l’a acquise à force de répétition.
Nous l’avons ainsi sollicité toute notre enfance pour apprendre à marcher, à courir, faire du vélo… et à rendre nos gestes précis.
C’est ce même processus qui a permis à l’homme de naviguer, de monter sur des sommets, d’aller dans l’espace…
De plus, en fonction des circonstances, le cervelet peut pondérer l’importance donnée à telle ou telle information sensorielle : ainsi l’importance des informations vestibulaires est atténuée pour éviter le mal de mer, celle donnée à la proprioception est augmentée pour se sentir à l’aise au bord d’une falaise…
De même, le judoka pilote en priorité son équilibre avec les sensations de son corps (proprioception) plutôt qu’avec sa vue.
En fonction de nos intentions et des informations fournies par nos sens, le cerveau planifie nos mouvements, il anticipe l’action. Il sait déjà ce que va faire la main qui s’avance vers le verre. Le mouvement est déjà connu et la réponse sensorielle est attendue : si le verre est vide alors qu’on le pensait plein, il y a un effet de surprise.
Notre cerveau prépare donc nos actions et se nourrit des informations d’équilibre qui lui sont fournies pour ajuster nos mouvements. Les vestibules participent pleinement à la perception du positionnement de notre corps dans l’espace.
L’information sensorielle de mouvement par la vision, par les labyrinthes et par la proprioception du corps converge aussi sur les structures cérébelleuses : flocculus et olives bulbaires pour optimiser les réflexes d’équilibre et de stabilisation de la vision.
Comme on l’a vu rien n’est linéaire dans le traitement de l’information et l’action qui en résulte. Notre maîtrise de l’équilibre est le résultat d’allers et retours incessants entre notre cerveau, notre cervelet, nos muscles et l’ensemble de nos capteurs qui fournissent les informations sur l’environnement, la position de notre corps dans cet environnement et sur la conscience que nous en avons. C’est, en quelque sorte, la mise en œuvre d’un pilotage automatique que l’on pourrait résumer à action-contrôle-ajustement.
En cas de vestubulopathie bilatérale, il est plus difficile de se tenir en équilibre dans un univers visuellement instable.
Quand la tête effectue une rotation vers la gauche, les yeux tournent vers la droite et restent ainsi fixés sur un objet dans le champ visuel.
Une réponse similaire est provoquée par des mouvements verticaux de la tête, tels que ceux qui se produisent pendant la marche et la course.
Quand on tourne la tête, les yeux tournent en sens opposé, pour stabiliser l’image sur la rétine. Ces réponses réflexes sont ajustées par le cervelet.
Il faut noter ici une chose importante : un réflexe est, par définition, « une réaction automatique, involontaire et immédiate à une stimulation ». Nos réflexes sont donc là, théoriquement, pour nous faciliter la vie (voire nous la sauver), en nous évitant de réfléchir.
Les symptômes évoqués plus haut (chapitre II : des symptômes bizarres) sont tous liés à un déficit des deux vestibules qui peut avoir différentes causes.
Parmi les médicaments ototoxiques, ceux qui peuvent entraîner un déficit vestibulaire bilatéral définitif sont principalement des antibiotiques de la famille des aminosides, comme la streptomycine (prescrite dans les années 50) et la gentamicine (prescrite dans les années 80), utilisés pour soigner de graves infections comme une septicémie ou une méningite.
C’est probablement la cause la plus fréquente de vestibulopathie bilatérale. Les micro-artères qui vascularisent les vestibules subiraient un rétrécissement allant jusqu’à l’obstruction par des globules blancs et des plaquettes.
Beaucoup de patients évoquent une année particulièrement difficile avant l’apparition de la maladie… évoquant le rôle du stress sur les microvaisseaux du labyrinthe. Ce sont des hypothèses sur lesquelles travaillent encore les chercheurs.
Outre les atteintes neurologiques inflammatoires, auto-immunes, génétiques, traumatiques, certains cas d’atteintes vestibulaires bilatérales ont été observés après une méningite, une neuropathie bilatérale. Sont également évoquées certaines dégénérescences cérébelleuses.
Certains enfants souffrent de problèmes d’équilibre liés à un vieillissement prématuré de leurs vestibules, ce qui fait penser à un possible facteur génétique. La capacité d’adaptation de leur cerveau, pour peu qu’ils aient eu le temps d’apprendre à marcher, leur permet souvent de compenser largement ce handicap.
Une atteinte vestibulaire bilatérale est également parfois observée dans une maladie génétique appelée neurofibromatose de type 2.
Cette dernière catégorie rassemble tous les déficits vestibulaires inexpliqués. L’adjectif idiopathique qualifie une maladie (pathos, douleur en grec) qui existe « pour elle-même », sans lien avec une cause déterminée (idios, propre, particulière en grec).
C’est cette pathologie qui nous intéresse spécifiquement dans cette brochure. Elle s’appelle aussi : « déficit vestibulaire bilatéral idiopathique » ou encore « aréflexie vestibulaire bilatérale idiopathique ». En effet, la perte des vestibules entraîne la suppression de deux des trois réflexes : le RVO, qui participe à la stabilisation du regard, et le RVS, qui participe à la stabilisation de son corps dans l’espace. Une autre dénomination de cette maladie est « ataxie vestibulaire bilatérale idiopathique », le terme ataxie signifiant perte de l’équilibre ou de la coordination des mouvements (du grec ataxia signifiant désordre). Les patients atteints sont donc parfois qualifiés d’« aréflexiques » ou d’« ataxiques ».
La VBI est une maladie rare ou orpheline, ce qui signifie qu’elle concerne un nombre restreint de personnes : 1 personne sur 2 000 en population générale (définition du Règlement européen sur les médicaments orphelins). Da façon très approximative, les différents experts consultés estiment qu’il y aurait en France entre 1 000 et 4 000 patients aréflexiques.
C’est à l’issue d’une consultation diagnostique, parce qu’il était sans réponse quant à la cause de son handicap nouvellement annoncé, qu’un patient, en 2005, a sollicité son médecin spécialiste afin de créer une association. Attendant lui aussi ce moment depuis fort longtemps, il le mit en rapport avec une autre de ses patientes. Ainsi fut fondée l’« Association Française de la Vestibulopathie Bilatérale idiopathique (AFVBI) » qui édite aujourd’hui cet ouvrage.
Les symptômes bizarres que nous avons décrits sont dus à la perte des informations sensorielles provenant des deux vestibules provoquant la perte du réflexe vestibulo-oculaire (RVO), donc de la capacité à automatiser la stabilisation du regard, et la perte du réflexe vestibulo-spinal (RVS), donc de la capacité à stabiliser la posture. L’équilibre dépend alors des seules informations sensorielles provenant des yeux et des capteurs proprioceptifs.
L’un des symptômes les plus fréquents est la sensation de flou visuel ressentie par le patient quand il est en mouvement, le sentiment d’être ivre dès qu’il bouge : en langage médical, c’est ce l’on appelle des « oscillopsies ». Ce symptôme est lié à l’absence du Réflexe Vestibulo Oculaire qui assure la stabilité du regard. Lorsque la tête bouge volontairement ou non (comme par exemple lors des secousses en voiture ou en vélo), il manque l’information vestibulaire qui permettrait aux yeux de compenser le mouvement de celle-ci en direction inverse : les patients ne stabilisent plus l’image sur la rétine et l’image est donc floue, flottante et saccadée (un peu comme si l’on réalisait un mouvement panoramique rapide avec une caméra sans stabilisateur). Dans la rue, en marchant, les patients ne peuvent plus fixer leur regard sur une personne ou un objet (panneau ou vitrine), ils ne reconnaissent plus le visage de gens connus, ne peuvent plus lire le nom d’une rue, regarder une vitrine… C’est comme s’ils se mouvaient sur un bateau qui bouge en permanence et fait osciller l'image, ils vivent dans une imprécision, un flottement continu de leur environnement. Pour retrouver une image nette de cet environnement, il leur faut s’arrêter pour immobiliser leur tête, ce qui stabilise leur vision.
L’autre symptôme le plus courant de la VBI est l’instabilité chronique de l’équilibre qui augmente à l’obscurité ou lors de la marche en terrain instable. Ceci s’explique par le fait qu’en l’absence d’informations vestibulaires, les données sensorielles fournies par la vue et la proprioception deviennent capitales pour l’équilibre : or, la pénombre, l’obscurité perturbent les repères visuels, de même que les terrains instables (sable, boue, verglas, cailloux, pente…) perturbent la proprioception (la perception de notre corps grâce à des capteurs au sein des muscles, articulations, ligaments…). Dans ces conditions, le patient a plus de difficultés à maintenir son équilibre.
Nous avons évoqué d’autres facteurs aggravants tels que l’immersion, la marche au sein d’une foule, ou parmi des rayonnages, l’excès de lumière : c’est aussi parce tous ces facteurs perturbent la vue et/ou la proprioception.
L’immersion diminue l’impact de la proprioception en réduisant l’effet de la pesanteur. Le corps est, totalement ou partiellement, porté par l’eau. Les sensations (donc les données fournies au cervelet) diffèrent notablement de celles habituellement ressenties dans l’air, les pieds posés sur le sol. L’information proprioceptive est alors comme brouillée. En l'absence d'informations visuelles ou proprioceptives permettant d'identifier la direction de l'axe gravitaire, le vestibule, par sa fonction otolithique devient indispensable, y compris chez les sujets sains pour retrouver la surface de l'eau. Cette information étant elle aussi déficitaire chez les patients en aréflexie vestibulaire bilatérale, le retour à la surface devient problématique. Au point que le patient ne peut plus se diriger dans l’eau comme l’expliquent Monique et Jean-Pierre qui ne retrouvent pas la surface après un plongeon. De plus, si la surface de l’eau devient un miroir mouvant et éblouissant, l’information visuelle est alors, elle aussi, fortement perturbée.
L’immersion peut donc représenter un véritable danger pour ces patients.
Pour le patient aréflexique, se mouvoir au sein d’une foule peut être très inconfortable, parce que cette foule mouvante perturbe les références visuelles d’où un équilibre est plus difficile à établir. A cela s’ajoutent la fatigue occasionnée et l’angoisse de ne pouvoir anticiper les mouvements aléatoires de cette foule.
Parcourir les rayons d’une librairie peut être difficile comme l’explique également Monique. L’explication relève de la déficience du RVO, celui qui permet de garder le regard fixe tout en bougeant la tête, déficience responsable des oscillopsies et donc de la difficulté d’utiliser les références visuelles verticales et horizontales formées par les rayonnages lorsque la tête est en mouvement et l’image instable. En effet, la difficulté est ici d’être capable de lire les titres sur les tranches des livres tout en bougeant la tête ou en s’inclinant.
Enfin, l’excès de soleil, de lumière ou au contraire la pluie, la neige qui tombent sont autant de facteurs qui brouillent les informations visuelles.
De plus, le système vestibulaire participe à d’autres grandes fonctions physiologiques, ce qui explique d’autres atteintes chez le patient atteint de VBI.
Normalement, les vestibules assurent, en lien avec l’hippocampe (une structure du lobe temporal interne dans le cerveau, impliquée dans la mémoire), la construction d’une représentation mentale de l’espace dans laquelle s’insère la position de notre propre corps.
L'hippocampe réalise en permanence une cartographie de notre espace en trois dimensions, afin que nous puissions nous orienter.
Toutes ces cartes sont archivées dans notre hippocampe et pourront nous resservir.
Par exemple, lorsque nous revenons sur un lieu, nous nous y retrouvons plus facilement que la première fois que nous l’avons visité ; pour ce faire, nous allons rechercher une ancienne carte stockée dans notre hippocampe et nous l’utilisons pour la superposer avec d'autres informations, notamment celles provenant de notre système de perception des mouvements dans l'espace, afin d'avoir une bonne perception de notre espace.
Chez le patient aréflexique vestibulaire, l’orientation spatiale est fortement perturbée.
Dans les premiers temps, le patient a souvent un rapport très confus à lui-même, à la position de son corps dans l’espace, même dans les lieux de vie quotidiens.
Plus tard, une fois l’évolution stabilisée, cette confusion dans l'espace reviendra dès que l'information visuelle est en défaut, dans la pénombre, ou dès que la fatigue vient entraver les mécanismes de contrôle.
En l’absence de mémoire spatiale, réalisée normalement par l’interaction vestibule-hippocampe, le patient doit donc, en quelque sorte, réapprendre le lieu à chaque visite, ce qui génère fatigue et perte de confiance en soi.
Le système vestibulaire travaille également pendant le sommeil et informe le cerveau de l’état de repos du corps (absence de mouvements de la tête). La production de mélatonine, l’hormone du sommeil qui participe à la régulation de notre horloge biologique interne, en dépend. De la même façon, quand le corps se réveille, le vestibule fournit des informations relatives à sa mise en mouvement.
L’absence de ces informations vestibulaires peut donc perturber la production de mélatonine et engendrer un sommeil de mauvaise qualité, avec des cycles éveil/sommeil perturbés. La fatigue qui en résulte viendra à son tour entraver le contrôle de l’équilibre et la stabilité de la vision.
Pour compenser son trouble de l’équilibre, le patient est en contrôle permanent. Son attention est donc majoritairement accaparée par cette nécessité, ce qui représente aussi une grande dépense énergétique. Il se fatigue donc vite et ne peut accorder la même qualité d’attention ou de concentration à d’autres sujets.
On peut également évoquer ici la baisse de l’estime de soi. La difficulté de ressentir son corps et sa verticalité génère un sentiment de vulnérabilité. La conscience de son corps dans l’espace a aussi une implication directe sur la confiance en soi qui se trouve perturbée chez le patient aréflexique.
En parler avec son entourage Le patient atteint de VBI est donc très handicapé dans sa vie quotidienne, et surtout ses mouvements. Mais ce handicap est peu compréhensible pour l’entourage car la fonction des vestibules est largement inconnue et s’appréhende difficilement. Il est cependant important d’en parler avec ses proches, de décrire au mieux ces symptômes bizarres, en s’aidant des éléments d’explications de cette brochure. Le patient peut expliquer qu’il est toujours obligé de contrôler avec sa vue le mouvement qu’il est en train de faire, de suivre prudemment une trajectoire, car il n’a plus de « pilotage automatique ». Ce contrôle demande attention et concentration en continu. Il doit l’expliquer à ses proches de même que la diminution ou la perte de confiance en soi, les activités qu’il ne peut plus faire et l’aide dont il a besoin pour pouvoir en poursuivre d’autres : présence d’un tiers en cas de baignade par exemple… C’est une remise en cause de toute la vie, et elle doit être comprise, accompagnée, et soutenue par les conjoints, la famille, les proches et les professionnels de santé. |
Les troubles de l’équilibre et les oscillopsies sont mieux tolérés avec le temps grâce à une auto-prise en charge, aux professionnels de santé et à l’entourage proche qui tous accompagnent le patient dans son évolution. Différents processus sont mis en jeu par l’organisme au fur et à mesure du temps pour répondre à la perte de la fonction vestibulaire et des deux réflexes qui lui sont liés.
Le patient va notamment développer son réflexe cervico-oculaire (RCO), qui fait appel à la proprioception, Des tests ont montré que cette fonction devient rapidement dix fois plus développée chez un patient aréflexique que chez un sujet sain. Cette montée en puissance de ressources peu exploitées jusque-là est ce que l’on appelle la vicariance. Étymologiquement, « le vicaire tente de devenir curé ».
Le réflexe cervico-oculaire tente, avec très peu d'efficacité, de suppléer le réflexe vestibulo-oculaire déficitaire. L'efficacité du réflexe cervico-oculaire chez les patients en aréflexie bilatérale est seulement de 40%, ce qui n'est donc pas très utile même si cette efficacité est très supérieure à l'efficacité nulle chez le sujet sain.
En plus de voir un réflexe tenter de compenser l’absence des deux autres, le cerveau et en particulier le cervelet, vont apprendre, d’une part, à mieux traiter les informations qui leur sont fournies et d’autre part, à trouver, par d’autres circuits, celles qui leur manquent. Cerveau et cervelet sont des organes neuro-plastiques, « plastiques » voulant dire ici « souples et adaptables ». La neuro-plasticité participe à notre capacité, tout au long de la vie, à apprendre et à s’adapter à de nouvelles situations. C’est grâce à cette capacité que l’orientation spatiale s’améliore progressivement. En pratique cette adaptation demande un immense effort de volonté et d'exercices quotidiens, répétés ; c’est la répétition qui permet au cerveau de s’adapter et retenir de nouvelles informations.
Le temps faisant son œuvre, les patients « oublient » ce qu’est la vie avec une vision stable et une marche sans contrôle. Cette habituation peut être considérée comme une ressource, même s’il est évidemment difficile d’en concevoir le bénéfice à l’annonce du diagnostic. Il faut comprendre que l’habitude participe à l’acceptation de la maladie et du handicap. Mais elle n’empêche pas en revanche, la fatigue, les difficultés quotidiennes et les risques de chute. Il est essentiel que l’entourage en ait conscience.
Comme nous l’avons vu, en l’absence des vestibules, les sources d’informations prédominantes sont la vue et la proprioception. L’utilisation de ces suppléances requiert un temps d’apprentissage. Ce temps d’apprentissage et l’efficacité des suppléances utilisées seront directement déterminés par l’intensité de la rééducation ou plutôt de l'auto-rééducation spontanée qu’offre la reprise de la vie quotidienne. Cependant, la suppléance mise en place génère souvent une dépendance, en particulier à la vue. Par dépendance, on veut dire que la suppléance dépasse son but. La vision aide mais elle peut gêner. Ainsi quand l’image bouge, le patient ne sait pas si c’est une oscillopsie, si c’est son propre corps qui bouge, ou si c’est ce qu’il voit ; et cela peut le faire chanceler. C’est ce qui lui rend si difficile l’expérience de la foule et fait dire à Pascale : « Dans les transports en commun, ce qui me gêne le plus, c’est la foule en mouvement rapide qui passe près de moi ». Le patient doit donc apprendre à ne pas se laisser tromper par un excès d'information visuelle venue en suppléance.
Evolution de l’inconfort lié aux oscillopsies. Il se réduit avec le temps, par le ralentissement des mouvements volontaires de la tête, le développement de mouvements oculaires substitutifs (saccades oculaires) et une meilleure « tolérance » à l’instabilité de l’image de l’environnement. Grâce à ces processus d’adaptation certains patients peuvent, après une période d’entraînement et de prise de confiance, reprendre la conduite automobile et des activités sportives telles que le vélo, l’équitation, le tennis, le ski… |
L’organisme s’adapte donc progressivement, mais il ne lui est pas possible de totalement compenser la perte des vestibules, si bien que les patients aréflexiques adaptent aussi leurs activités, renonçant parfois à certaines d’entre elles trop problématiques ou dangereuses et poursuivant les autres. Monique ne fait plus de footing mais désormais de la marche nordique, et profite ainsi des bâtons pour assurer sa stabilité. Elle prend des cours de Pilates à la place de la gymnastique, avec l’objectif de renforcer ses muscles profonds. Alain pour jouer un morceau de musique s’appuyait sur la lecture de la partition. Cet aller-retour entre l’instrument et la partition ne lui est plus possible, il apprend donc par cœur. « Le plaisir est moindre » reconnait-il. Mais il continue à jouer.
Pour certains, c’est l’activité professionnelle qui est impossible à poursuivre (si elle demande des gestes de grande précision ou fait appel à beaucoup de lecture informatique par exemple) : dentiste, peintre, professeur de sport, chef d’orchestre… Il s’agit là d’un renoncement majeur qui affecte profondément le psychisme des patients. Nous le verrons un peu plus loin, la reconnaissance du statut de travailleur handicapé par la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) peut permettre des adaptations du poste de travail. Dans tous les cas, l’acceptation du handicap, aussi difficile soit-elle, participe grandement au mieux-être des patients et constitue, en soi, une adaptation.
Le sens de l’équilibre chez l’Homme est une fonction complexe qui résulte d’informations sensorielles provenant de trois sources principales :
Notre maîtrise de l’équilibre est le résultat d’allers et retours incessants entre notre cerveau, notre cervelet, nos muscles et l’ensemble de nos capteurs qui fournissent les informations sur l’environnement, la position de notre corps dans cet environnement et sur la conscience que nous en avons.
En cas de déficit vestibulaire bilatéral, on compte beaucoup sur les suppléances par la vision et par le sens du mouvement musculaire pour la vie quotidienne. C’est très fatigant et parfois démoralisant mais il faut garder confiance en soi, c’est le propre de la vie. Patience, adaptation, habituation et compensation sont les éléments fondamentaux du processus général de réadaptation. Si les suppléances sensorielles sont perturbées de façon transitoire (obscurité, sol instable…) ou durable, tout est alors beaucoup plus difficile. |
Michel TOUPET, Christian VAN NECHEL
Comme on l’a vu, les principaux symptômes présentés sont les troubles de l’équilibre, l’instabilité visuelle chronique avec les oscillopsies, et l’altération du sens de l’orientation. L’instabilité est majorée dans la pénombre et l’obscurité, sur terrain difficile, caillouteux, pentu, instable ou tortueux, enneigé, glissant, mouillé.
Il n’y a pas de signe auditif (ni surdité, ni acouphène, ni plénitude d’oreille), ni céphalées, ni signes neurovégétatifs. Il n’y a pas non plus de vertiges au sens habituel. Dans un vertige, une personne croit que les objets environnants et elle-même sont animés d'un mouvement, linéaire, circulaire ou d'oscillations. Le vertige est donc une illusion de mouvement (comme une tornade). Question de degré. En cas de VBI, il peut y avoir des crises de vertige lors de l’installation de la maladie, mais à l’état stabilisé, chronique, il n’y a plutôt plus de vertiges, plus de signes rotatoires, car les deux vestibules sont atteints, sans asymétrie. En revanche, il persiste une instabilité visuelle : le patient voit flou quand il bouge et titube quand il marche ; ces symptômes sont permanents, alors qu’un vertige ne dure qu’un temps.
En raison de ces symptômes, les médecins consultés pensent plutôt à un problème neurologique qu’à une pathologie responsable de vertiges, ce qui explique l’errance et le retard diagnostic en moyenne de 2 à 5 ans. Il n’est en effet pas facile d’imaginer, dans l’inconscient médical collectif, qu’un déficit vestibulaire puisse ne pas donner de vertiges. L’important pour le médecin généraliste ou l’ORL lors de la première consultation est de penser à une pathologie de l’oreille interne même en l’absence de troubles de l’audition, de penser à une atteinte vestibulaire devant un ensemble d’instabilité et d’oscillopsies, ces deux éléments étant pathognomoniques de l’affection (certitude diagnostique de déficit vestibulaire).
Avant de réaliser des mesures instrumentales, le diagnostic est d’abord clinique. Il se fonde sur la coexistence des symptômes mentionnés ci-dessus avec cette particularité que le trouble de l’équilibre résultant d’un déficit vestibulaire bilatéral est persistant et nettement accentué dans l’obscurité. La grande difficulté à se maintenir en équilibre sur un sol irrégulier dans la pénombre est systématiquement présente en cas de déficit vestibulaire bilatéral et ce symptôme doit conduire au bilan vestibulaire.
Ne pas confondre un déficit vestibulaire unilatéral (un handicap transitoire) et un déficit vestibulaire bilatéral (un handicap permanent). Un déficit vestibulaire unilatéral induit également une instabilité plus marquée dans la pénombre, mais la persistance d’une information vestibulaire du côté sain et sa participation au développement de la compensation du déficit aboutit à une réduction importante de cette instabilité le plus souvent en quelques jours ou quelques semaines. En revanche, en présence d’un déficit vestibulaire bilatéral, la compensation fait appel à la substitution d’informations par les autres modalités sensorielles de l’équilibration, processus plus lent et qui n’offre pas les mêmes performances de réactivité. Les oscillopsies présentes dans les déficits vestibulaires unilatéraux sont en général seulement perçues lors des mouvements de tête vers le côté déficitaire. En phase aiguë après un déficit unilatéral, la marche est instable mais clairement déviée vers le côté atteint. En cas de déficits vestibulaires unilatéraux tout est transitoire. |
L’interrogatoire recherche des éléments en rapport avec la cause éventuelle du déficit vestibulaire bilatéral comme la prise de gentamicine (antibiotique aminosidique) pour des infections résistantes aux autres antibiotiques, ou des signes neurologiques en cas d’atteinte des structures du tronc cérébral voisines des voies vestibulaires : diplopie (dédoublement de l’image en vision binoculaire), altération des mouvements précis avec les mains, altération de la sensibilité au niveau du visage ou des membres.
L’examen clinique de base comporte au moins des épreuves de marche, d’équilibration et d’évaluation de la stabilité du regard lorsque la tête est en mouvement :
La symptomatologie caractéristique et l’ensemble des deux tests de Romberg et de Halmagyi font le diagnostic du clinicien.
Le médecin constatera que l’équilibre est perturbé dès la fermeture des yeux et que lors des mouvements de tête brefs et secs les deux yeux partent avec la tête.
Trois tests permettent d’affirmer le diagnostic de déficit vestibulaire bilatéral : le « Video Head Impulse Test » ou VHIT, l’épreuve vestibulaire calorique et l’épreuve vestibulaire rotatoire.
Ce test consiste à enregistrer les déplacements oculaires pendant de brèves rotations de tête induites par l’examinateur à des vitesses de 50 à 300°/seconde. Ces vitesses permettent de jauger les structures impliquées aux limites de leurs performances. En condition parfaite, la vitesse de rotation des yeux doit être équivalente, mais de direction opposée, à celle de la tête. Ces vitesses sont quantifiées par l’analyse vidéo des mouvements oculaires enregistrés par une caméra infrarouge intégrée dans un masque avec un accéléromètre.
Ce test évalue les hautes fréquences du système vestibulaire et la stabilisation des yeux par les réflexes vestibulo-oculaires (RVO), et ce pour chaque canal semi-circulaire de chaque oreille. En effet, cette mesure peut être réalisée dans les trois plans : l’horizontale et les deux obliques ; ce qui correspond aux trois plans des paires de canaux semi-circulaires des deux oreilles internes.
Normalement les yeux restent en place, fixant la cible visuelle, quels que soient les mouvements de la tête.
En cas de déficit vestibulaire bilatéral, les yeux partent avec le mouvement de la tête et reviennent sur la cible visuelle une fraction de seconde plus tard.
C’est un enregistrement chiffré du test de Halmagyi.
Elle se pratique sur un patient allongé, tête relevée de 30°. L’irrigation d’une température différente (30°C et 44°C) créée des mouvements liquidiens dans les canaux semi-circulaires externes, placés dans le plan vertical. Ce test permet d’évaluer un côté puis l’autre séparément. Il déclenche normalement un petit vertige et des nystagmus observables sous lunettes de vidéo. On teste ainsi les basses fréquences du système vestibulaire. On enregistre et chiffre les réponses nystagmiques.
Elle s’effectue sur un patient assis portant des lunettes de vidéonystagmographie (VNG) donc dans l’obscurité. La VNG enregistre, via une caméra infrarouge incluse dans un masque, les mouvements des yeux spontanés, induits par une stimulation simultanée des deux labyrinthes.
Cet enregistrement permet par une analyse informatique, une quantification de la vitesse et de l’amplitude des mouvements oculaires en présence ou non de stimulations extérieures. On fait osciller latéralement le fauteuil d’une amplitude de 90° et on déclenche des nystagmus observables, enregistrables, mesurables.
En cas de déficit vestibulaire, le patient ne perçoit même pas le déplacement du fauteuil, il n’y a pas non plus de réponse oculaire.
Ce test étudie les fréquences moyennes du système vestibulaire.
Les tests qui permettent d’affirmer le déficit vestibulaire bilatéral sont : les épreuves caloriques et l’épreuve rotatoire sans réponse oculaire ainsi que les mouvements brusques de la tête que l’œil ne corrige pas.
Une fois le diagnostic de déficit vestibulaire bilatéral confirmé, il convient ensuite d’orienter le patient vers un spécialiste ORL bien informé de ces pathologies et bien équipé pour pouvoir réaliser les mesures instrumentales complémentaires.
Ils permettent d’explorer d’autres composantes du système vestibulaires, celles des organes otolithiques qui analysent les mouvements linéaires.
Le saccule est surtout sensible aux déplacements verticaux dont la permanence de la gravitation terrestre. Lorsqu’on est éveillé, le saccule permet le redressement du corps, et tout particulièrement de la tête. Pour mesurer ce réflexe, on place des électrodes sur les muscles du cou. On stimule le saccule par des petits clics acoustiques et on mesure les modulations de l’activité musculaire du cou.
L’utricule est organisé comme une rose des vents de nos déplacements linéaires dans le plan horizontal plus particulièrement.
Deux électrodes placées sous chacun des deux yeux permettent d’enregistrer les modifications de la contraction de ses muscles oculomoteurs pendant des stimulations utriculaires d’origine acoustique. Ces deux potentiels évoqués otolithiques permettent un renseignement précis sur chacun des deux organes séparément et de chacun des deux côtés.
Elle évalue la résolution de l’image perçue lorsque la tête est animée de mouvements rapides. Il ne s’agit plus ici seulement d’explorer la stabilisation de l’œil dans l’orbite lors d’un mouvement de tête mais tout le processus de reconnaissance de l’image, dont un prérequis est sa stabilisation pendant un temps suffisant pour permettre l’identification de son contenu. En complément du VHIT, qui montre comment les yeux bougent, ce test explore ce que le cerveau voit.
Le sujet examiné porte un casque qui analyse le mouvement de la tête, et doit identifier sur un écran les symboles habituels des chartes d’acuité visuelle.
Ces symboles n’apparaissent toutefois que lorsque la vitesse de la tête dans un plan dépasse un seuil prédéterminé par l’examinateur.
L’acuité visuelle mesurée dans ces conditions est comparée à l’acuité visuelle tête fixe pour une durée similaire de présentation du stimulus. Cette mesure, en relation avec le symptôme d’oscillopsie, peut être réalisée dans différents plans de mouvement de la tête.
Elle est plus exigeante que le test d’impulsion de tête car impose une stabilisation de l’œil pendant un temps suffisant pour l’identification du symbole, la projection la cible visuelle sur la partie la plus sensible de la rétine, l’absence de retard de la réponse oculaire au mouvement tête et requiert l’attention du sujet.
L’acuité visuelle dynamique montre une bonne sensibilité dans l’identification des déficits canalaires uni ou bilatéraux.
La capacité de stabiliser l’image après un déficit vestibulaire peut être améliorée par l’entraînement.
Ce n’est que très fortuitement que l’axe vertical de la tête se retrouve parallèle à l’axe gravitaire. Les images qui se projettent le plus souvent sur notre rétine sont donc similaires à des photos prises avec un appareil non horizontal. L'angle d'inclinaison latérale de la tête peut dépasser largement les quelques possibles degrés de rotation des yeux autour de leur axe optique. Un redressement de l’image rétinienne est requis pour rendre son contenu stable et cohérent avec d’autres sensations, en dépit d’inclinaisons variables de la tête.
Cette orientation correcte de l'image rétinienne relève d'un traitement cortical qui exploite une combinaison d’informations issues des canaux semi-circulaires et des organes otolithiques des oreilles internes. Il actualise en permanence notre représentation de l'axe gravitaire : la verticale visuelle subjective. La mesure de la verticale visuelle subjective d’un sujet est réalisée par l’alignement d’un repère visuel linéaire avec sa notion de verticale, en l’absence de toute autre information visuelle susceptible de lui fournir une référence horizontale ou verticale. Dans ces conditions, l’écart entre cette verticale visuelle subjective et l’axe gravitaire ne dépasse pas 2,8° chez le sujet sain.
Des informations non-vestibulaires contribuent à cette représentation mentale de la verticale, dont la présence au sein même de l'image d'éléments que nous avons appris à considérer comme de fiables références de verticalité ou d'horizontalité. Un poids dominant est attribué à l'information sensorielle estimée la plus fiable. A ce titre, vision et appareil vestibulaire sont en compétition, la première insensible aux accélérations linéaires, telles qu’induites par les déplacements, qui vont interférer avec la perception de l'axe gravitaire par le second. Celui-ci est plus apte à nous donner une information fiable de l'axe gravitaire lorsque la première ne contient pas suffisamment de références verticales ou horizontales. En présence d'un cadre incliné ou d’un fond structuré tournant à l’arrière du repère visuel linéaire mesurant la verticale visuelle subjective, certaines personnes donneront priorité à l’information fournie par l’appareil vestibulaire, elles seront qualifiées de « non-dépendantes visuelles », d’autres, les « dépendantes visuelles » verront l’orientation de leur verticale subjective influencée par le contenu du champ visuel.
La posture est l'organisation dans l’espace des différents segments du corps. Il n'y a pas une posture optimale applicable à toute personne, pas même pour se tenir dans cette position très artificielle du sujet debout immobile talons joints sur un support parfaitement plan et stable. La bonne posture est celle qui permet à une personne, avec sa morphologie, ses capacités physiques, ses émotions, son désir d'expression de préparer ou de prolonger, l’action (ou l'inaction) souhaitée avec le meilleur compromis entre efficacité d’une part, contraintes musculaires et articulaires, et dépenses énergétiques d’autre part. Il y a de nombreuses façons de se tenir debout dans un transport en commun. Plusieurs sont d'efficacité équivalente, d'autres vont réduire la tolérance aux variations d'accélération. Plus l’action envisagée devra être performante, plus le choix de stratégie va se rétrécir.
La posturographie multisensorielle est une méthode de quantification du contrôle postural ; elle chiffre l’instabilité ainsi que ses suppléances sensorielles possibles, proprioceptives et visuelles, avec de nombreux paramètres et exercices physiques.
Les postures dynamiques les plus souvent utilisées impliquent la mobilisation d’un support de sustentation, asservis ou non aux déplacements du centre de pression.
Il en est de même pour les bascules ou translations imprévisibles du support, et concerne aussi les altérations de l’environnement visuel par mouvement du décor, stimulation optocinétique ou décor virtuel.
La technologie des systèmes à capteurs de pression enregistre l’intensité et la direction des forces exercées par les plantes des pieds sur le support de sustentation. Ces forces sont donc très différentes lorsque le support résiste aux forces exercées par les pieds ou lorsqu’il se dérobe sous l’action de celle-ci. Le centre de pression est la résultante virtuelle de toutes ces forces. Les déplacements de celui-ci sont donc davantage le reflet du travail musculaire associé au contrôle postural, qu’une mesure de la qualité de celui-ci.
La posturographie a toute sa place dans la rééducation des troubles de l’équilibre. Non seulement elle peut orienter la prise en charge en rééducation, mais aussi constituer le support d’exercices de rééducation dont les résultats sont quantifiables. Elle pourra identifier et reproduire à titre d’entraînement des conflits sensoriels qui posent problème au patient. Elle donne aussi accès à l'utilisation du biofeedback pour la rééducation des troubles de l'équilibre. Elle ajoute une modalité sensorielle, visuelle ou auditive, aux sensations somesthésiques et vestibulaires associées au contrôle postural. Cet apport sensoriel supplémentaire peut faciliter l’élaboration d’une réponse motrice adéquate. Elle permet au patient, via un flux continu d'informations et une quantification de ses performances, de mieux percevoir ses capacités actuelles et ses progrès par rapport à un objectif, ce qui constitue un indiscutable stimulant psychologique.
Un bilan du patient atteint de VBI Le bilan de gravité et des capacités du patient sur le plan visuel et postural est crucial pour suivre l’évolution du patient. Cela s’entend d’une part dans l’évolution de son déficit vestibulaire qui peut être parcellaire puis devenir plus complet ; mais aussi dans l’évolution de ses suppléances sensorielles qui lui permettent d’y faire face plus confortablement. Ces outils permettront d’apprécier l’effet d’une éventuelle thérapeutique médicamenteuse sur la maladie et sur les causes de ce déficit vestibulaire bilatéral, tout autant que sur les diverses compensations centrales. Au-delà de cet aspect technique ce bilan permet aussi d’approcher le vécu du patient à travers l’analyse de ses perceptions sensorielles, de sa qualité de vie, de son anxiété, voire de sa dépression, qui influent sur ses capacités. |
Les déficits vestibulaires bilatéraux idiopathiques doivent être confirmés par des tests objectifs :
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Michel TOUPET, Christian VAN NECHEL
Dans la vestibulopathie bilatérale idiopathique, il y a destruction bilatérale des appareils vestibulaires. Il ne peut donc pas y avoir de guérison et les médicaments sont inutiles (anti-vertigineux, anti-inflammatoires). Il faut être conscient qu’on est comme un aveugle qui ne peut recouvrer la vue. Et il va falloir faire son deuil de la personne que l’on était avant, faire son deuil de ses capacités antérieures…
Mais, comme on l’a vu précédemment, il y a des processus d’adaptation et de compensation qui font que la maladie évolue et se stabilise progressivement.
Cette stabilisation intervient à partir du moment où le patient accepte son handicap, où il arrive à vivre avec ce handicap, à relativiser son importance, à relativiser la souffrance générée par ce handicap. Ensuite, l’auto-prise en charge consiste à adapter sa façon de vivre pour faire face à ses troubles de l’équilibre, pour diminuer leur impact au quotidien. Il s’agit aussi d’un réapprentissage de l’équilibre, comme dans l’enfance, pour s’appuyer sur les systèmes visuel et proprioceptif. La prise en charge consiste à accompagner, aider le processus d’acceptation et d’auto-prise en charge puis le réapprentissage. Mais il est certain que l’investissement personnel du patient pour vivre avec et malgré son déficit est l’élément le plus important.
Ce qui aide le plus les patients atteints de VBI c’est de participer à des groupes de parole comme ceux organisés par l’Association Française de Vestibulopathie Bilatérale Idiopathique (AFVBI).
Ils y rencontrent des patients atteints de la même pathologie mais à des stades d’évolution stabilisée et cela leur permet de comprendre progressivement qu’il est possible d’arriver à accepter leur handicap, à changer leur perception et à entamer une réadaptation.
Toutes les personnes impliquées dans ces réunions - médecins, chercheurs, experts, patients, responsables de l’association - les décrivent comme des moments très conviviaux, où l’on peut venir en famille, pour que les proches puissent aussi profiter des témoignages, des partages d’expériences. Ces échanges, parfois pleins d’humour, permettent de favoriser l’acception psychologique de la maladie et de structurer les efforts de réadaptation.
Maintenir une activité physique régulière (marche, gymnastique, Qi Gong…) est très important car pour pallier son ataxie, le patient a besoin de préserver sa souplesse, sa musculature et de stimuler ses autres capteurs sensoriels. Cela lui demandera un travail de concentration important pour compenser les troubles de l’équilibre. Il convient donc de repenser aux connaissances théoriques de l’activité sportive qui devient moins automatisée et donc plus « coûteuse » en énergie.
Cette activité physique régulière doit être pratiquée, tout au moins au début, de jour, sur terrain stable, bien éclairé, sans aspérité, dans un environnement connu, maîtrisé et maîtrisable. Il est conseillé de privilégier des exercices musculaires qui sollicitent les muscles « contraires » (ceux par exemple qui sont douloureux quand on descend de la montagne car ce sont des muscles très peu sollicités). En effet, le patient aréflexique est sans cesse en train de se « rattraper » et les muscles qu’il sollicite alors sont ceux que l’activité courante n’entretient pas.
Dans le cadre de ce maintien d’une activité physique, le patient doit souvent renoncer à son niveau de performance antérieur dans les sports qu’il pratiquait, voire renoncer à certaines activités. Dans ces choix, il est important de s’appuyer sur les activités de plaisir qui apportent plus de gratifications.
Certaines fédérations sportives proposent des sections spécifiques. C’est le cas, par exemple, de la Fédération française d’athlétisme avec la marche nordique adaptée.
Pour la plupart, la natation (en piscine et surtout en mer) et la plongée deviennent des activités dangereuses (risque de noyade) qu’il vaut mieux ne plus poursuivre et dans tous les cas toujours surveillé et jamais seul. Autres conseils : garder en permanence la vue hors de l’eau (pris dans une vague, le patient atteint de VBI n’a pas la notion de haut et de bas et ne sait donc pas comment sortir la tête hors de l’eau donc toujours un risque de noyade même dans très peu d’eau), utiliser un masque ou des lunettes de natation se révèle très utile, sortir à quatre pattes sur la plage, mettre des sandales pour améliorer l’appui au sol.
Certains patients arrivent à poursuivre le vélo, d’autres pas. Cette activité nécessite une grande prudence ; il n’est plus question de se faufiler habilement entre les voitures en ville, il faudra réapprendre et s’essayer d’abord dans des zones sécurisées sur un sol plat. En ville, privilégier les heures creuses. Il faut pédaler le corps souple en privilégiant le regard devant soi.
Christian VAN NECHEL
Les relations entre le système vestibulaire et le système émotionnel sont intenses et bidirectionnelles.
Au cours de l’évolution, une « fonction vestibulaire » apparaît dès l'émergence de la mobilité. Il y a environ 2 milliards d’années, des paramécies, êtres unicellulaires munis de cils assurant leur mobilité ont développé un organite qui détecte le sens de la gravité, leur permettant de se déplacer vers la surface de l'eau où l'oxygène est plus abondant.
Le système vestibulaire apparaît en effet dans le monde aquatique où la notion d'équilibre n'est pas pertinente. En revanche, dès qu'apparaît la mobilité, il est essentiel d'avoir la maîtrise de la direction de ses déplacements, ce qui implique également le contrôle de l'orientation de l'être mobile dans un référentiel qui sera le plus souvent gravitaire. Tourner en rond met en danger la survie de l'être et de son espèce en épuisant les ressources nutritives locales, en ne permettant pas de trouver un partenaire de reproduction ou de rejoindre un refuge de sécurité ou de reproduction.
La capacité à s'orienter dans l'espace, par exemple pour échapper à un prédateur, est donc une fonction vitale, archaïque et préconsciente. Une défaillance de ce sens de l'orientation met donc la survie de l'individu en danger.
Dès l’apparition de ce sens de l’orientation, ce sera un stimulus puissant des systèmes d'alerte et émotionnel. Son caractère préconscient explique l'absence de ce sens de l’orientation dans le texte De Anima d’Aristote, mais aussi le caractère souvent indicible des symptômes liés à sa perte.
En outre, chez l'humain des modèles de développement cognitif proposent que le jeune enfant crée, à l'occasion d'incidents critiques, des schémas de croyances primaires qui vont être réactivés plus tard dans la vie. Ainsi, lors de l'apprentissage de la marche, l'enfant est confronté à une ambivalence, l'attrait de gagner en autonomie et d'explorer l'espace, opposé à la perte de la protection des bras parentaux et des expériences de chutes quelquefois douloureuses. Ce schéma de croyances primaires serait réactivé lorsque plus tard dans la vie, l'équilibration sera fragilisée avec une peur de chuter même sans expérience de chute.
Si la perte de confiance en la capacité de s'orienter et d'organiser ses déplacements dans l'espace est anxiogène, la relation inverse est également présente. Des sensations de vertiges, d'instabilité viennent en troisième place dans la liste par ordre de fréquence des symptômes induits par l'anxiété. L'anxiété crée un état d'hypervigilance face à la maîtrise de sa position et de sa capacité à se déplacer dans l'espace. C'est également un héritage de l'évolution, le stress lié à la présence d'un prédateur exige un contrôle postural et une mobilité performante.
Ces relations étroites entre système vestibulaire et système émotionnel ont leurs traductions au niveau des connexions anatomiques entre ces deux systèmes. Il y a des relations directes bidirectionnelles entre les noyaux vestibulaires et le système limbique. Ces relations sont tout à fait similaires à celles qui lient ce système limbique et des centres détectant les paramètres d'asphyxie. S'il est aisé d'imaginer combien l'asphyxie peut être anxiogène, nous pouvons mieux concevoir combien la perte ou la crainte de perdre le contrôle de son équilibration le soit également.
Les études montrent aussi que le sujet anxieux va privilégier les informations visuelles au détriment des autres modalités sensorielles. Ceci va modifier les priorités sensorielles utilisées pour l'équilibration, privilégiant une stratégie visuelle, c'est-à-dire faisant appel à des repères visuels fixes et proches dans l'espace. Un inconfort pourra apparaître dans l’obscurité et des environnements visuels mobiles.
Outre ces relations spécifiques entre système vestibulaire et système émotionnel, il y a plus généralement pour toute affection médicale chronique le développement d'un aspect psychique, conscient ou non, lié aux pertes de performances antérieures et à l'incertitude de l'avenir.
Il apparaît donc tout à fait déterminant pour réduire la souffrance liée à la perte bilatérale de la fonction vestibulaire de prendre en compte ces aspects psychiques. La connaissance de ses véritables potentialités permet de limiter les comportements d'évitement aux situations qui peuvent réellement constituer un risque comme les déplacements sur support instable ou irrégulier, dans l'obscurité ou la perte de repères visuels pertinents sous l'eau.
Apprendre la maîtrise de situations déstabilisantes va réduire l'angoisse et l'attention excessive focalisée sur des symptômes d'instabilité ou d' href="glossaire.html#id_Toc113978066">oscillopsies. Cela diminuera la souffrance liée à ces symptômes et laissera la place à des sensations positives.
C'est en ce sens qu'en complément à l'information médicale qui explique la genèse de symptômes, à la rééducation qui permet de mieux connaître ses capacités et de les accroître, les contacts au sein d'une association comme l’AFVBI permet aux patients porteurs d'un déficit vestibulaire bilatéral de mieux se projeter dans un avenir réaliste, de prendre connaissance des stratégies alternatives développées par des personnes porteuses d'un même handicap et d'adapter ses références en termes de qualité de vie.
En position statique, les situations difficiles sont très rares (sauf si l’environnement visuel est courbe et n’offre pas de ligne verticale où accrocher le regard). Les trucs et astuces suivants concernent donc les déplacements.
Sur le plan proprioceptif (corporel) :
Sur le plan visuel (oscillopsie) :
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Comme tout un chacun mais encore plus chez le « VBIste » (surnom affectueux des malades donné par les membres de l’Association Française de Vestibulopathie idiopathique), il est important de respecter une bonne hygiène de vie afin de s’adapter à cette pathologie et de prévenir des conséquences du vieillissement :
Il faut souligner l’importance du diagnostic différentiel quant à d’autres pathologies qui peuvent se surajouter à la VBI. Savoir identifier ce qui est du domaine de la VBI et ce qui relève d’une autre pathologie car des comorbidités viendront aggraver la symptomatologie.
Michel TOUPET, Christian VAN NECHEL, Myriam ACCHABAK
La rééducation vestibulaire est un ensemble de techniques thérapeutiques qui s’adressent aux personnes souffrant de pathologies du système vestibulaire et de troubles de l’équilibre. Elle est basée sur l’utilisation de la plasticité du système nerveux central et sa capacité à développer de nouvelles stratégies d’équilibration face à une atteinte uni ou bilatérale du système vestibulaire périphérique.
Les pathologies du système vestibulaire et les troubles de l’équilibre se manifestent par un ensemble de symptômes, notamment une sensation de vertiges rotatoires ou linéaires, d’instabilité posturale et une intolérance aux mouvements de l’environnement.
Leur retentissement sur le quotidien des patients est souvent considérable, pouvant entrainer une interruption de l’activité professionnelle et devenir une source d’angoisse majeure.
Les patients développent souvent des stratégies d’évitement des situations pouvant déclencher le vertige ou la perte d’équilibre (activités sportives, voyages en voiture ou avion…).
Les patients s’isolent, finissent par perdre confiance et estime de soi et peuvent sombrer dans la dépression.
Dans ce cas, le terme de rééducation vestibulaire n’est pas vraiment approprié puisqu’il n’y a plus d’appareil vestibulaire à rééduquer ni à droite ni à gauche. La rééducation dans ce cas est l’art de faire avec « les restes »… des autres organes des sens : notamment la proprioception et la vision. Il s’agit plutôt d’une rééducation proprioceptive pour que le patient apprenne à utiliser des voies alternatives pour maintenir son équilibre, contrôler sa posture et lutter contre les oscillopsies. Mais cette rééducation est généralement effectuée par des kinésithérapeutes spécialisés en rééducation vestibulaire.
Les techniques thérapeutiques utilisées dans ce cadre consistent au renforcement des deux entrées neurosensorielles restantes. La proprioception est ce qui nous permet de tenir debout sur terre.
Les mécanorécepteurs de nos muscles et articulations sont sensibles à la gravité qui nous tire vers le bas. Par réaction automatique, le corps va s’ériger vers le haut, d’où l’importance de la stimulation de tous les extenseurs du corps (le soléaire, le grand fessier, les muscles spinaux, etc.).
Le bilan fonctionnel préalable à la rééducation est individuel et commence par un interrogatoire. Le praticien interroge le patient sur son histoire médicale, son diagnostic et sur son modus vivendi : sa vie, ses engagements, ses motivations, son environnement, ses contraintes professionnelles…
Puis il se poursuit par un bilan des dégâts : quelles sont les conséquences de ce déficit vestibulaire sur la posture et sur la stabilisation du regard.
Il faut ensuite aborder le bilan des ressources du patient. C’est-à-dire évaluer les pièges qui, par manque de ressources, risquent d’entraver la rééducation.
Ce bilan préalable est indispensable pour bien évaluer les progrès ultérieurs. Dans ce cadre, il peut être judicieux d’utiliser aussi un questionnaire d’évaluation : le Dizziness Handicap Inventory.
Cette échelle du handicap lié aux troubles de l’équilibre et aux vertiges permet de distinguer les parts : fonctionnelle, émotionnelle et physique du problème.
Toutefois, ce questionnaire bien connu est mal adapté aux déficits vestibulaires bilatéraux.
C'est par la marche que le praticien se fait une bonne idée de l’état d’équilibre et du problème au quotidien. Souvent quelques pas en avant, quelques pas en arrière sont déjà révélateurs.
Parfois c’est un test de marche forcée sur 5 m avec double tâche (on pose des questions au patient pendant qu’il exécute cette marche).
On teste aussi la capacité à rattraper l'équilibre après une brusque bousculade, non prévue par le patient. Le rattrapage se fait généralement selon trois modalités : une stratégie de cheville, ou de hanche ou d’un pas en arrière.
Des exercices d’oculomotricité permettent de travailler la coordination tête-œil.
Le travail de l’équilibre se fait yeux ouverts et fermés. Le travail sur trampoline augmente les difficultés pour le patient, en perturbant les informations cutanées plantaires, obligeant le système vestibulaire otolithique éventuellement restant à prendre le pilotage du contrôle postural. Ceci est d’autant plus vrai que le patient exécute ce genre de contrôle les yeux fermés, ou pire encore, soumis à des stimulations visuelles dérangeantes comme des lumières tournoyant dans la pièce autour de lui (les stimulations optocinétiques). Tout ceci se fait progressivement, de séance en séance.
Il est important de lutter contre l’installation de la dépendance visuelle par des exercices d’équilibre et de piétinement sur le sol, puis sur des mousses de différentes tailles, différentes épaisseurs et différentes densités devant des images mouvantes en utilisant l’optocinétique.
Celle-ci permet de diminuer le poids de l’entrée visuelle dans la stratégie d’équilibration des patients atteints d’aréflexie vestibulaire bilatérale qui souvent sont très gênés dans les grandes surfaces, dans la foule, lors de la traversée de rues, dans l’obscurité et dans les endroits fermés sans repères visuels (comme un parking).
Les séances suivantes peuvent se poursuivre par l’étude du maintien du regard fixe sur une cible, dans toutes sortes de conditions : en regard de face, regard sur le côté, en haut, en bas, très excentré, puis tête tournée d’un côté, de l’autre, abaissée. Ceci tout d’abord chez un patient assis, puis un patient debout, puis un patient en marche-avant, puis en marche arrière, piétinant sur place, lentement, rapidement. D’autres tests du maintien du regard sur une cible se compléteront par des lectures de mots imprimés de plus en plus petits et de plus en plus longs (la lecture permet de savoir que le patient a non seulement vu mais compris le mot). Ces tests pourront se poursuivre sur un fauteuil rotatoire ou debout dans différentes positions de cible : haute, basse, gauche, droite. Il faut varier les conditions pour être le plus universel possible.
Si le praticien est équipé, il pourra faire de l’acuité visuelle dynamique sur ordinateur (lorsque la vitesse des mouvements de la tête est atteinte, la cible visuelle s’allume et le patient doit la lire au vol). Le contrôle de la posture pourra également se faire sur matériel informatisé : c'est la posturographie multi sensorielle.
Tous ces tests et activités sont commencés lentement, de façon très répétitive, puis on accélère le mouvement, on augmente l’amplitude, la vitesse, la durée, on change de plan.
Il faut varier les exercices car cette diversité permettra des résultats.
Cette rééducation doit être non pas passive mais la plus active possible, le patient doit se prendre en main, s’engager personnellement. C’est aussi pourquoi il est recommandé de proposer au patient 10 minutes d’exercices quotidiens, seul, à domicile, ce qui a également comme avantage d’améliorer l’entraînement.
Rééducation et vestibulopathie idiopathique bilatérale
La rééducation vestibulaire est généralement vécue comme décevante par les patients aréflexiques, car le handicap sensoriel demeure puisqu’il ne peut pas y avoir de restauration. Néanmoins, elle permet progressivement au patient d’accepter son handicap, de s’y adapter, en compensant avec d’autres capteurs proprioceptifs, à développer des stratégies de prudence… C’est comme une rééducation comportementale, pour réapprendre au patient comment changer ses habitudes, ses stratégies de correction face à un déséquilibre, prendre conscience des difficultés rencontrées pour faire des choses qui étaient auparavant évidentes, sans le moindre problème, et pouvoir y faire face. Dans cette rééducation d’un déficit neurologique irrémédiable, le point essentiel est d’accepter, d’apprendre à vivre avec et de se débrouiller avec ce qui reste (Docteur Oliver Sachs). Pour cela il faut beaucoup de courage de la part du patient et beaucoup de compréhension et de soutien de la famille, de l’entourage et du thérapeute. C’est une rééducation longue qui demande de la patience, de la persévérance et de la confiance. Le thérapeute doit accompagner son patient avec une grande capacité d’écoute, de bienveillance, mais aussi d’exigence et de ténacité. |
L’oscillopsie est, comme vu précédemment, une plainte majeure des patients atteints de VBI : c’est l’image qui bouge quand le patient bouge, parce qu’elle n’est plus automatiquement stabilisée par les vestibules.
L’acuité visuelle dynamique consiste à présenter au patient un mot écrit bref, au moment où il bouge la tête à une vitesse suffisante. Un capteur de vitesse sur la tête permet de synchroniser le mouvement de tête avec l’apparition fugace de l’image sur l’écran d’ordinateur. Cette image flashée est d’abord testée tête immobile, pour pouvoir comparer les performances visuelles tête immobile et tête en mouvement. En l’absence des deux vestibules qui stabilisent nos yeux pendant toutes ces circonstances, les patients VBI ont des performances d’AVD qui s’effondrent.
Avec de l’entraînement, certain de ces patients arrivent à retrouver des performances presque normales.
Marie-Claude ROOY
L’activité professionnelle peut être fortement handicapée par la VBI. Dans ce cas, il est possible et utile d’obtenir la RQTH qui permet d’avoir accès à un ensemble de mesures mises en place pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et leur maintien dans l’emploi, même si ce statut n’est pas neutre psychologiquement.
Est considérée comme travailleur handicapé « toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique ».
La demande de RQTH est déposée auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du lieu de résidence du demandeur, à l’aide du formulaire Cerfa n°15692*01, du certificat médical Cerfa n°13878*01, et s’accompagne de toutes les pièces justificatives utiles en remplissant le formulaire de demande unique. Le médecin du travail dispose de formulaires spécifiques permettant de bénéficier d’une procédure accélérée. Il est donc conseillé d’initier la demande par son intermédiaire. Si vous n’avez pas de médecin du travail, le dossier est à remplir par le médecin traitant et/ou le médecin spécialiste qui vous suit.
Tous les renseignements sur cette démarche peuvent être obtenus auprès de la MDPH de votre département, qui exerce notamment une mission d’accueil, d’information, d’accompagnement et de conseil des personnes handicapées et de leurs familles. Ses coordonnées peuvent être obtenues auprès des services du Conseil départemental.
C'est la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui accorde la RQTH ; la décision est rendue dans un délai variant d'un département à l'autre. La RQTH est généralement attribuée pour une durée de 1 à 10 ans renouvelable.
La RQTH permet notamment :
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Les techniques récentes d’imagerie, les séquences 3D-FLAIR retardées de l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), ont donné de nouvelles indications sur diverses maladies de l'oreille interne. L'acronyme FLAIR provient de l'anglais « Fluid Attenuated Inversion Recovery ». L’objectif de la séquence FLAIR est de supprimer le signal des liquides. Cette technique est pratiquée depuis plusieurs années pour des patients atteints de la maladie de Menière. Les médecins se sont aperçus que d’autres anomalies pouvaient être détectées (inflammations, malformations etc.).
Un protocole d’imagerie vestibulaire de pointe a été développé par l’équipe de neuroradiologie du Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble et de l’Hôpital Lariboisière à Paris. Son objectif est d'évaluer à la fois la morphologie de l'espace endolymphatique et la perméabilité de la barrière hémato-labyrinthique chez les patients atteints de vestibulopathie bilatérale idiopathique.
Il a fait l’objet d’une étude portant sur 42 patients atteints de VBI qui a montré que ces patients présentaient des anomalies morphologiques de l'espace endolymphatique (Bilateral vestibular atelectasis (VA) a été trouvé chez 21 patients (50%), ou une détérioration de la barrière hémato-labyrinthique dans 59,6 % des cas (1).
Cette étude et les séquences 3D-Flair d’imagerie permettent d’émettre l’hypothèse d’une étiologie ischémique (par réduction de l’apport sanguin aux vestibules) de l’aréflexie vestibulaire, et donc qu’une pathologie microvasculaire serait envisageable.
Chez les patients présentant un déficit vestibulaire bilatéral : l’I.R.M. 3Teslas protocole Hydrops montre, le plus souvent, un effondrement des territoires endolymphatiques : une atélectasie vestibulaire bilatérale et le plus souvent de la partie supérieure du labyrinthe : canal supérieur, canal horizontal, utricule.
Ludovic DROUET
Dans la recherche de facteurs de risque d’atteintes microvasculaires qui puissent participer à la genèse d'une VBI, il y a trois paramètres qui sont très fréquemment rencontrés au niveau sanguin chez les patients atteints de VBI : une augmentation du taux plasmatique de sérotonine, une augmentation de l'homocystéine, et la présence d’anti-cardiolipines (autoanticorps anti-phospholipides), ce qui suggère un facteur d’auto-immunité, voire de thrombophilie.
L’origine microvasculaire serait l’effet synergique de ces trois facteurs de risque.
Mais ces trois anomalies n’étant pas identiques chez tous les patients, un bilan sanguin spécifique est nécessaire ; les résultats devraient permettre d’établir un traitement adapté pour prévenir de complications. Les atteintes déjà constatées sont malheureusement pour l’instant irréversibles.
La sérotonine est un neuromédiateur qui peut être impliqué dans différents troubles :
La sérotonine plasmatique en excès est responsable d'une réaction de spasme au niveau des micro-vaisseaux, en particulier du système vasculaire cochléo-vestibulaire et peut ainsi participer à l'ischémie qui provoque la VBI. Ce spasme est d'autant plus important que la paroi vasculaire est atteinte.
Cette dernière pouvant être altérée par l'homocystéine et l'auto-immunité.
A l’état normal, la sérotonine est produite par des cellules qui sont sur le tube digestif puis captée par les plaquettes sanguines. L'augmentation de la sérotonine plasmatique signifie soit que la sérotonine est libérée trop facilement par les plaquettes soit qu’elle n’est pas captée par les plaquettes.
C'est pourquoi le traitement utilisé en premier essai chez les patients atteints de VBI et présentant une augmentation de la sérotonine plasmatique est un antiagrégant plaquettaire ; l'aspirine (75 ou 100mg).
Le but de ce traitement est d'empêcher l'activation des plaquettes et la libération de sérotonine par les plaquettes. Un deuxième effet est également attendu : empêcher la formation de microthrombi plaquettaires dans la microcirculation.
L'aspirine à faible dose est utilisée à très long cours en prévention cardiovasculaire sans poser de problème (à part un risque hémorragique en cas de saignement). Elle pourrait diminuer le risque de cancer du côlon.
L’aspirine ne peut pas être utilisée chez les patients atteints de VBI et de la maladie de Willebrand, pathologie hémorragique très fréquente. C’est une anomalie de la coagulation due à un déficit partiel en facteur Willebrand (qui sert dans l'interaction des plaquettes au cours des processus d'hémostase et de coagulation). Chez ces patients, on évalue un traitement par inhibiteur de recapture de sérotonine (comme certains antidépresseurs) pour diminuer la sérotonine sanguine totale.
L'homocystéine est un acide aminé extrêmement réactif et toxique pour les parois vasculaires. L’augmentation du taux d’homocystéine dans le sang, ou hyperhomocystéinémie, entraîne une pathologie vasculaire et peut jouer un rôle dans les atteintes oculaires ou cochléo-vestibulaires. Elle est le plus souvent due à une anomalie sur l’enzyme MTHFR (Méthylènetétrahydrofolate) mais d’autres enzymes peuvent être atteints.
L’existence d’une hyperhomocystéinémie induit la mise en place d’une supplémentation régulière et définitive en vitamines B, dont la vitamine B9. Cette dernière se trouve dans les légumes verts mais la quantité nécessaire ne peut pas être apportée par la simple alimentation car il ne s’agit pas de compenser une carence.
La vitamine B9 est le cofacteur des enzymes du métabolisme de l'homocystéine. La supplémentation augmente le taux de vitamine B9, ce qui booste ces enzymes et fait tomber le taux d'homocystéine : c’est le résultat recherché.
On utilise une dose de vitamine B9 de 5 mg/jour, sous la forme d’acide folique ou d'acide folinique (forme déjà métabolisée de la vitamine B9).
Ce sont des anticorps que le corps fabrique lorsqu’il est attaqué par un virus, une bactérie, un champignon... Ils vont reconnaître un antigène ou plus précisément son épitope, c’est à dire la partie de l'antigène contre laquelle va être fabriqué l'anticorps.
Les anti-cardiolipines s’opposent aux phospholipides qui constituent les membranes des cellules et à la bêta2-glycoprotéine 1 (protéine β2-GP1) qui se fixe dessus. Cela entraîne un défaut au niveau des cellules endothéliales. On pense que les anti-cardiolipines blessent les cellules endothéliales qui bordent la paroi vasculaire et cet effet est potentialisé probablement à la fois par l’homocystéine et la sérotonine. Cela explique pourquoi c’est l’association des trois qui aboutit aux lésions micro-vasculaires.
Les patients atteints de VBI sont donc amenés à subir des prises de sang pour que soit établi ce bilan sanguin particulier dont le Centre de référence est le laboratoire de l’hôpital Lariboisière à Paris. C’est le seul laboratoire en France qui dose sur place la sérotonine sur place, immédiatement après la prise de sang, évitant ainsi les délais de transport qui faussent les résultats. C’est aussi là que sont utilisées les techniques de références pour le dosage de l’homocystéinémie et des anti-cardiolipines.
Les tests sanguins doivent être répétés pour vérifier la fiabilité des résultats et les effets des traitements.
Ces examens s’accompagnent maintenant d’une analyse sanguine dont les résultats pourraient permettre d’élaborer une typologie de malades et d’avancer ainsi dans la recherche étiologique.
(1) Electrophysiological and inner ear MRI findings in patients with bilateral vestibulopathy
M.Eliezer, C. Hautefort, C. Van Nechel, U. Duquesne, JP. Guichard, P. Herman, R. Kania, E. Houdart, A. Attye, M. Toupet
Received: 27 November 2019 / Accepted: 24 January 2020
© Springer-Verlag GmbH Germany, part of Springer Nature 2020
Tristan Martin, Gaëlle Quark, Hervé Normand, Pierre Denise
Le rôle du système vestibulaire dans l’équilibration, la posture et la cognition spatiale est de mieux en mieux connu. Le système vestibulaire est classiquement reconnu comme le principal organe du « sens du mouvement ». Cependant, s’impose progressivement l’idée que le système vestibulaire a une influence beaucoup plus diffuse sur l’ensemble du cerveau, et même sur l’ensemble de l’organisme par l’intermédiaire du contrôle du système nerveux végétatif. Plusieurs équipes, dont le laboratoire COMETE (Caen), ont ainsi montré les relations entre le système vestibulaire et les régulations cardiovasculaires, respiratoires, musculaires, osseuses et endocriniennes. Ces nouvelles connaissances ouvrent des perspectives pour une meilleure compréhension des conséquences et du traitement des dysfonctionnements du système vestibulaire.
Dans ce chapitre, nous décrirons comment un dysfonctionnement vestibulaire peut perturber le sommeil et les rythmes biologiques.
La régulation du sommeil est un phénomène complexe encore imparfaitement connu. Un des aspects les plus importants de cette régulation est son organisation temporelle : comment et pourquoi le sommeil survient à certains moments et pour une certaine durée.
Cette alternance entre les états de veille et de sommeil dépend principalement de notre « horloge biologique » centrale. Celle-ci est constituée de plusieurs dizaines de milliers de neurones situés dans une petite zone localisée au-dessus du croisement des nerfs optiques appelée « les noyaux suprachiasmatiques »1. Cette horloge biologique envoie un message rythmique aux centres de régulation de l’organisme, induisant une oscillation entre des périodes d’activité importante et d’activité plus faible des fonctions physiologiques, neuronales et endocriniennes. Les exemples d’oscillations les plus remarquables que l’on peut observer sont les variations de la température, de la mélatonine (hormone associée à la nuit, favorisant l’endormissement chez l’homme) ou le cortisol. L’ensemble de ces « rythmes biologiques », dont l’étude est l’objet de la chronobiologie, permet un fonctionnement harmonieux du corps humain au cours des 24 heures, afin qu’il puisse accomplir au bon moment les activités liées au jour et à la nuit. Le rythme veille-sommeil est également sous la dépendance de cette horloge interne. Les rythmes biologiques sont définis, pour chaque marqueur considéré, par l’heure à laquelle s’observe le niveau maximal (acrophase), le niveau minimal (bathyphase), l’amplitude (différence entre le maximum et le minimum du paramètre), le niveau moyen (Mesor) et surtout la période (une période d’environ 24 heures est appelée « circadienne »).
Figure 1 : Illustration de l’horloge biologique et des caractéristiques d’un rythme circadien (celui de la température dans cet exemple).
La période spontanée de l’horloge interne est légèrement supérieure à 24 heures. Ainsi spontanément et en l’absence de tout repère temporel, comme l’a montré l’expérience d’isolement de 2 mois sous terre de Michel Ciffre dans les années 60, l’être humain décale son sommeil peu à peu et se couche et lève de plus en plus tard. Afin d’agir efficacement en restant en phase avec son environnement, l’organisme doit en permanence resynchroniser son horloge biologique ; pour ce faire, il utilise certains signaux de l’environnement, les « synchroniseurs ». La lumière du jour constitue le principal synchroniseur externe de notre horloge biologique3 et explique les troubles du sommeil observés chez les aveugles et dans les pays nordiques, présentant de longue période d’obscurité. D’autres synchroniseurs dits « non lumineux » ont été découverts, telle que l’activité physique. Pratiquée régulièrement, elle peut resynchroniser le système circadien chez des personnes désynchronisées (travailleurs de nuit, personnes âgées, personnes aveugles…).
Les troubles du sommeil touchent 39% des Français4. Si l’insomnie est la plainte la plus fréquente (21%), elle est souvent intriquée avec les troubles du rythme circadien veille-sommeil. Les troubles des rythmes circadiens (18% des troubles recensés) sont à l’origine de nombreuses perturbations : troubles du sommeil, diminution de la vigilance, déficits cognitif (trouble) et psychomoteurs, perturbations endocriniennes et métaboliques, altérations du système immunitaire. Ils sont également impliqués dans les processus de dérégulations du cycle cellulaire et associés à des pathologies comme le cancer. On observe ces troubles de la rythmicité chez des publics tels que les travailleurs postés, comme comorbidités associées à des pathologies chroniques et dans les situations de décalage horaire après un vol transméridien.
Une hypothèse ayant émergé au sein de notre laboratoire COMETE est que le système vestibulaire pourrait transmettre des informations à cette horloge biologique et donc agir comme un synchroniseur. Longtemps restreint à un simple capteur de mouvement de la tête assurant notre équilibre et maintenant la fixation oculaire par l’intermédiaire de réseaux neuronaux localisés au niveau du tronc cérébral (spinal, oculomoteur, cervelet), il s’avère que la sensorialité vestibulaire, en particulier le codage des informations gravitaires et des déplacements linéaires, est bien plus que cela. Ainsi, les informations vestibulaires d’ordre gravitaire semblent moduler de façon majeure le carrefour neuroendocrinien, à savoir l’hypothalamus, et en particulier nos rythmes circadiens. L’existence de connexions anatomiques entre les noyaux vestibulaires et les noyaux suprachiasmatiques (siège, nous l’avons vu de l’horloge biologique centrale) a été démontrée chez le rongeur5.
L’hypothèse que les informations vestibulaires transmises aux centres supérieurs influencent le fonctionnement de l’horloge biologique lorsque l’organisme est en mouvement, a été démontrée chez l’animal. Des animaux placés dans un environnement artificiel les exposant de manière prolongée à une hypergravité (2G), voient leur rythmicité biologique disparaitre pendant la première semaine alors que des souris génétiquement privées de récepteurs gravitaires vestibulaires (organes otolithiques) ne sont pas affectées par cette stimulation6.
A partir de ces travaux, nous avons approfondi les liens fonctionnels entre fonction vestibulaire et rythmicité biologique de manière complémentaire chez l’Homme et l’animal. Nous avons démontré qu’une privation des informations vestibulaires suite à une lésion chimique bilatérale des cellules ciliées vestibulaires induisait des perturbations de la rythmicité biologique chez le rat la semaine suivant la lésion, suivie d’une récupération progressive, probablement grâce à l’influence majeure du cycle jour/nuit7. Chez l’homme, les personnes atteintes d’une aréflexie vestibulaire bilatérale présentent une détérioration du sommeil, marquée par une fragmentation et un niveau d’activité plus élevé durant la nuit. De plus, chez ces patients, par rapport à des participants témoins dont le rythme de la température était corrélé au rythme activité repos, une désynchronisation entre le cycle veille-sommeil et la température corporelle des patients a été observée8 (figure 2).
Figure 2 : Résumé des résultats de l’étude de Martin et al., (2016)8, menée avec 9 participants de l’AFVBI. La figure A présente le profil moyen de température enregistré à l’aide d’une capsule intestinale pendant 24h. La courbe noire représente le signal enregistré par la capsule. La courbe bleue représente la modélisation du rythme circadien de température par la méthode d’analyse du « COSINOR ». La zone grise représente la dispersion des données (l’écart-type). Il est intéressant de noter que les participants aréflexiques vestibulaires bilatéraux idiopathique (ABI) ont un rythme de température qui suit moins la modélisation mathématique comparé aux participants témoins. La figure B montre l’acrophase de température de chaque participant ABI et témoin. La dispersion des acrophases est plus importante dans le groupe ABI. Enfin, la figure C montre qu’il n’y a pas de corrélation entre l’acrophase de température et l’heure d’endormissement chez les participants ABI (ce qui atteste d’une désynchronisation entre le rythme de la température et le rythme veille-sommeil) alors que la corrélation entre les deux rythmes était élevée chez les participants témoins.
A partir de ces résultats, nous avons commencé à étudier la possibilité que le système vestibulaire soit lui-même un synchroniseur des rythmes biologiques. Chez l’animal, nous avons montré qu’une stimulation vestibulaire via des expositions hypergravitaires courtes à 2G peut accélérer la resynchronisation du rythme de la température suite à un décalage horaire9. Dans ce domaine chez l’Homme, nous avons démontré qu’une stimulation vestibulaire pouvait modifier les caractéristiques du rythme de l’activité motrice appliquée en fin de journée10.
Les résultats novateurs obtenus sur les influences chronobiologiques du système vestibulaire nous incitent à poursuivre nos travaux selon deux axes.
Le premier consiste à préciser les mécanismes d’entrainement de l’horloge. Nos travaux supposent que le système vestibulaire fournit un signal de type actimétrique à l’horloge biologique, expliquant alors pourquoi l’activité physique (qui stimule généralement le système vestibulaire) peut moduler les rythmes circadiens et le sommeil. Cependant, comme nous l’avons évoqué, d’autres facteurs pourraient expliquer l’effet de l’exercice sur l’horloge (température, catécholamine…) et aucune étude n’a pu établir avec certitude l’influence directe du système vestibulaire sur l’horloge biologique. Une étude contrôlée en laboratoire, selon un protocole de mise en évidence de l’activité de l’horloge biologique chez l’Homme reconnu pour étudier les mécanismes de fonctionnement de l’horloge interne (constante routine), au moyen d’un marqueur fidèle (la mélatonine), devient donc nécessaire pour confirmer cette hypothèse. Ces éléments théoriques manquent pour appuyer le développement de programme de réhabilitation des rythmes biologiques et ce projet a donc pour ambition de répondre à cette problématique.
Le second axe, plus appliqué, est de mieux caractériser les troubles chronobiologiques et du sommeil des patients atteints d’une aréflexie vestibulaire bilatérale, d’en comprendre les mécanismes et de proposer des traitements spécifiques.
Même si les répercussions sur le sommeil et les mécanismes des troubles chronobiologiques que nous avons observés chez les patients souffrant d’une aréflexie vestibulaire bilatérale ne sont pas encore connus, on peut cependant donner quelques conseils pour améliorer la synchronisation des rythmes (renforcer le rôle des synchroniseurs) et la qualité du sommeil des patients :
Références
1. Stephan, F. K. & Zucker, I. Circadian rhythms in drinking behavior and locomotor activity of rats are eliminated by hypothalamic lesions. Proc. Natl. Acad. Sci. 69, 1583 (1972).
2. Czeisler, C. A. et al. Stability, precision, and near-24-hour period of the human circadian pacemaker. Science 284, 2177–2181 (1999).
3. Gronfier, C. Le rôle et les effets physiologiques de la lumière : sommeil et horloge biologique dans le travail de nuit et posté. Arch. Mal. Prof. Environ. 70, 253–261 (2009).
4. Bien dormir pour mieux faire face - Enquête INSV/MGEN 2021. INSV Institut National du Sommeil et de la Vigilance https://institut-sommeil-vigilance.org/bien-dormir-pour-mieux-faire-face-enquete-insv-mgen-2021/.
5. Horowitz, S. S., Blanchard, J. H. & Morin, L. P. Intergeniculate leaflet and ventral lateral geniculate nucleus afferent connections: An anatomical substrate for functional input from the vestibulo-visuomotor system. J. Comp. Neurol. 474, 227–245 (2004).
6. Fuller, P. M., Jones, T. A., Jones, S. M. & Fuller, C. A. Neurovestibular modulation of circadian and homeostatic regulation: Vestibulohypothalamic connection? Proc. Natl. Acad. Sci. 99, 15723–15728 (2002).
7. Martin, T. et al. Vestibular loss disrupts daily rhythm in rats. J. Appl. Physiol. Bethesda Md 1985 118, 310–318 (2015).
8. Martin, T. et al. Exploration of Circadian Rhythms in Patients with Bilateral Vestibular Loss. PloS One 11, e0155067 (2016).
9. Martin, T. et al. Vestibular stimulation by 2G hypergravity modifies resynchronization in temperature rhythm in rats. Sci. Rep. 10, (2020).
10. Pasquier, F. et al. Effect of vestibular stimulation using a rotatory chair in human rest/activity rhythm. Chronobiol. Int. 37, 1244–1251 (2020).
Par Christophe Lopez, Chargé de Recherche au CNRS - Laboratoire de Neurosciences Cognitives, CNRS & Aix-Marseille Université
Les signaux vestibulaires, qui informent le cerveau des mouvements et des inclinaisons du corps dans l’espace, sont connus pour leur rôle dans les réflexes oculomoteurs, posturaux et neurovégétatifs. Toutefois, leur contribution ne s’arrête pas là. Les signaux vestibulaires contribuent à de nombreuses facettes de la cognition spatiale, corporelle et émotionnelle (Smith & Zheng 2013; Mast et al. 2014; Lopez 2016). Des travaux récents des neurosciences laissent à penser qu’ils joueraient également un rôle dans les aspects les plus fondamentaux de la conscience de soi (Lenggenhager & Lopez 2015). Ainsi, des patients porteurs d’atteintes du système vestibulaire périphérique ou central peuvent rapporter des modifications de leur perception corporelle, leur sentiment de subjectivité, ou leur personnalité. Des sensations telles que « Mon corps paraît étrange », « Je perds le contrôle de moi-même », « Je ne suis plus dans mon corps » ne sont pas si rares dans les atteintes vestibulaires (Smith & Darlington 2013).
En plus de ces troubles des représentations du soi et du corps, les patients avec des atteintes du système vestibulaire peuvent rapporter des difficultés pour naviguer dans l’espace, c’est-à-dire des difficultés pour coder leurs déplacements, les mémoriser et les restituer. Les processus sensoriels et neuraux de la navigation spatiale sont très complexes car plusieurs sens entrent en jeu en plus du système vestibulaire (la vision, la somesthésie, les signaux issus des commandes motrices) et de nombreuses régions du cerveau sont impliquées. Les chercheurs en neurosciences commencent à mieux comprendre les bases cérébrales de la navigation spatiale, et ces découvertes ont d’ailleurs été couronnées par le Prix Nobel de Physiologie ou Médecine attribué en 2014 à John O’Keefe, May-Britt Moser et Edvard I. Moser.
Plusieurs études épidémiologiques conduites aux États-Unis indiquent que les troubles des fonctions vestibulaires sont associés à une baisse des performances dans des tâches cognitives dites visuo-spatiales, c’est-à-dire des tâches impliquant de faire des jugements sur des objets ou des scènes présentés sur un écran d’ordinateur ou une feuille de papier (Bigelow et al. 2015). Une étude de référence conduite par l’équipe de Thomas Brandt en Allemagne a montré que des patients avec une perte bilatérale des fonctions vestibulaires présentaient des déficits de mémoire spatiale par rapport à des personnes de même âge et de même sexe avec un système vestibulaire fonctionnant correctement (Brandt et al. 2005). Dans cette étude, la mémoire spatiale a été étudiée par la tâche de la piscine de Morris sur un écran d’ordinateur. On donne aux participants le point de vue qu’ils auraient s’ils se tenaient au centre d’une piscine circulaire remplie d’eau. Autour de la piscine, des repères sont visibles. Il peut s’agir de formes géométriques ou d’une véritable scène d’extérieur. Les participants doivent se déplacer dans cette piscine en utilisant les boutons d’un clavier jusqu’à ce qu’ils trouvent par hasard une plateforme sous la surface de l’eau et non visible. Les participants peuvent repérer la position de cette plateforme par rapport aux références visuelles autour de la piscine. Dans les essais suivants, les participants sont positionnés à un autre endroit de la piscine et on leur demande de retourner à la plateforme qui, elle, n’a pas changé de position. On mesure sur une série d’une dizaine d’essais le temps que les participants mettent pour retrouver la plateforme et la distance parcourue entre leur position de départ et la plateforme. Plusieurs études ont montré qu’une perte vestibulaire bilatérale se traduisait par un retard dans l’apprentissage de la position de la plateforme et par une plus grosse erreur de localisation de la plateforme (Brandt et al. 2005; Kremmyda et al. 2016).
L’une des régions cérébrales les plus étudiées dans le contexte de la navigation spatiale s’appelle l’hippocampe. C’est une structure localisée dans la partie médiale des lobes temporaux. Au début des années 2000, Brandt et ses collaborateurs ont utilisé l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) pour mesurer le volume de l’hippocampe chez des personnes testées plusieurs années après une perte vestibulaire bilatérale (suite à la section chirurgicale des deux nerfs vestibulaires).
Ils ont ainsi découvert une réduction du volume (une atrophie) de l’hippocampe de 17%, qui était associée aux déficits de mémoire spatiale dans la tâche de la piscine de Morris décrite ci-dessus. L’atrophie de l’hippocampe dans les atteintes vestibulaires a depuis été confirmée par plusieurs études chez des personnes avec une perte vestibulaire bilatérale partielle, un trouble vestibulaire unilatéral aigu ou une maladie de Menière unilatérale (zu Eulenburg et al. 2010; Göttlich et al. 2016; Kremmyda et al. 2016; Seo et al. 2016), mais d’autres études n’ont pas pu confirmer cet effet chez d’autres groupes de patients avec des atteintes vestibulaires (Hüfner et al. 2007; Cutfield et al. 2014).
Les limites des tâches cognitives décrites précédemment, comme le test de la piscine de Morris en réalité virtuelle, sont qu’elles n’impliquent pas de mouvements du corps entier comme dans la navigation réelle, qu’elles simplifient l’environnement et réduisent les interactions entre le participant et son environnement.
Or les personnes avec des troubles du système vestibulaire sont souvent plus gênées dans leur vie quotidienne lorsqu’il y a beaucoup d’informations à gérer en même temps, et d’autant plus s’il faut se tenir debout ou marcher en même temps. Quelques études récentes ont donc analysé les performances de personnes avec des atteintes bilatérales du système vestibulaire pendant la navigation au sein d’un bâtiment hospitalier contenant plusieurs couloirs, de nombreuses portes, etc. (Schöberl et al. 2021). Les participants portaient un casque permettant d’analyser les mouvements oculaires et de savoir ce qu’ils avaient regardé pendant la navigation. Les résultats de ces études indiquent que les personnes avec une perte vestibulaire bilatérale avaient plus de difficultés pour trouver des raccourcis et pour créer de nouvelles trajectoires de déplacement dans le bâtiment. Toutefois, pour reproduire des trajets appris, ils n’avaient pas plus de difficulté que des participants contrôles. L’étude a également révélé que le comportement et les stratégies de navigation différaient chez les patients avec perte vestibulaire bilatérale et chez les contrôles. En effet, les patients passaient moins de temps aux intersections entre les couloirs et les patients avaient tendance à fixer moins d’objets.
Les troubles de la navigation spatiale, bien qu’ils ne constituent pas la doléance principale des patients avec une atteinte vestibulaire, sont une réalité mesurable. Toutefois, leur prévalence n’est pas connue.
Il reste également à comprendre les facteurs qui font que certaines personnes avec un trouble vestibulaire présentent des déficits objectifs et/ou des plaintes concernant la navigation spatiale et pourquoi d’autres n’en présentent pas.
Références
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Jean-Philippe Guyot
Selon une étude américaine, environ 500 000 personnes souffriraient d'un déficit vestibulaire bilatéral complet en Europe et aux États-Unis [1]. Ramené à la population française, le chiffre serait d’environ à 30 000 et de 4 000 pour la Suisse.
Remarque de l’AFVBI : les chercheurs ne sont pas tous d’accord avec ces chiffres, voir plus haut le paragraphe Vestibulopathie bilatérale idiopathique III 3 e7.
Le grand nombre de médecins généralistes, et de diverses spécialités, ophtalmologues, psychiatres, neurologues, ORL, que les patients doivent consulter pour aboutir à un diagnostic, comme l’illustre une enquête menée auprès de membres de l’Association Française de la Vestibulopathie Bilatérale idiopathique [2], suggère que beaucoup de médecins ne savent pas qu’un tel déficit peut exister chez l’adulte et, par conséquent, manquent le diagnostic. Et il y a encore beaucoup moins de médecins qui savent que le problème peut exister chez les nouveau-nés et les enfants et qui sont capables de le diagnostiquer. Dès lors, l’estimation de l’étude américaine est probablement bien inférieure à la réalité. Espérons que tous les efforts d’information faits par certains aboutissent à faire mieux connaitre le problème au public et aux médecins.
Malheureusement, aucun traitement ne permet de restaurer la fonction vestibulaire perdue. Certes, le cerveau met en place diverses stratégies pour diminuer l’importance des troubles qui en résultent, processus de vicariance, d’adaptation, d’habituation, mais aucune n’est totalement satisfaisante en cas de déficit bilatéral. Pourquoi ? Parce que les réflexes vestibulaires sont, et de loin, les plus rapides de tous nos systèmes sensoriels, rapidité indispensable à générer les réflexes moteurs adéquats au maintien de la station debout sur 2 jambes… et même sur une seule au besoin et à éviter les chutes.
Il est donc nécessaire de développer des moyens artificiels pour aider les patients délabyrinthés. Aujourd’hui, les scientifiques suivent trois pistes dont l’une est du domaine de la biologie, la plus « intelligente », et les deux autres du domaine des neuroprothèses.
La surdité et la perte de la fonction vestibulaire sont le plus souvent consécutives à la perte des cellules sensorielles, celles qui transforment les sons ou les accélérations en signaux électriques et les transmettent au cerveau par le nerf auditif ou le nerf vestibulaire, respectivement. Il est rarissime qu’une surdité ou un déficit vestibulaire soit dû à une dégénérescence du nerf correspondant. Certes, les deux nerfs peuvent perdre un certain pourcentage de leurs fibres mais il en reste toujours suffisamment pour transmettre au cerveau une information pertinente. L’audition et la fonction vestibulaire pourraient donc être restituées en faisant renaître les cellules sensorielles de la cochlée [3] ou de l’appareil vestibulaire. Actuellement, des équipes ont réussi à régénérer des cellules vestibulaires chez des rongeurs [4] et d’autres sur des tissus de l’appareil vestibulaire humain, en éprouvettes [5].
Si cette approche biologique est la plus « intelligente », elle ne pourra certainement pas déboucher sur une application clinique avant de nombreuses années de recherche.
Au cours de ces dernières décennies, plusieurs équipes ont développé des neuroprothèses qui transmettent des informations de mouvements au cerveau en utilisant les voies nerveuses de l’audition ou de la sensibilité. Ces systèmes consistent en des ceintures portées à la taille, munies de capteurs de position déclenchant une alarme d’autant plus intense que la posture du sujet s’éloigne de la verticale. Pour les premières, l’alarme est un signal sonore [6], pour les secondes la mise en fonction de vibreurs solidaires de la ceinture. Si le sujet s’incline vers l’avant, ce sont les vibreurs du ventre qui sont actionnés ; s’il se penche vers l’arrière, ceux du dos et s’il se penche vers la droite ou la gauche, ceux placés sur les flancs [7, 8]. Ce système a l’avantage sur le premier d’informer le sujet non seulement qu’il ne se tient plus bien droit mais aussi de la direction vers laquelle il se met à pencher.
Malheureusement, les informations que donnent ces prothèses ne peuvent pas se substituer à celles du système vestibulaire, très rapide, puisqu’elles transitent par les voies neurologiques de modalités sensorielles lentes, la sensibilité et l’audition. Dès lors, elles ne peuvent pas donner de résultats très satisfaisants.
Pour comprendre les principes fondamentaux du fonctionnement des prothèses vestibulaires, il faut savoir que l’oreille interne est une batterie électrique qui génère constamment des décharges électriques. Lors d’un mouvement, l’appareil vestibulaire augmente ou diminue la fréquence des décharges électriques en fonction de la direction du mouvement. De plus, l’augmentation ou la diminution de la fréquence des décharges est d’autant plus marquée que la vitesse du mouvement est rapide. C’est ce simple code que le cerveau est capable d’interpréter pour générer les réflexes nécessaires au maintien de l’équilibre. En cas de déficit vestibulaire, la batterie de l’oreille interne est « plate » : aucun code de mouvement ne peut être envoyé au cerveau.
Au repos, l’activité électrique est identique dans les deux oreilles. |
Lorsqu’un sujet tourne la tête à droite, l’activité électrique augmente à droite, diminue à gauche. |
Lorsqu’un sujet tourne la tête à gauche, l’activité électrique augmente à gauche, diminue à droite. |
Il restitue l’activité électrique de l’oreille et la module par le capteur de mouvements, qui l’augmente lors de mouvements dans une direction et la diminue lors de mouvements de direction opposée. |
Trois équipes au monde développent une neuroprothèse vestibulaire.
L’équipe de Jay Rubinstein à Seattle, USA, travaille sur une neuroprothèse vestibulaire destinée non pas à restituer la fonction vestibulaire mais pour les patients souffrant d’une maladie de Menière [9]. Cette affection est la cause d’épouvantables épisodes de vertiges de quelques heures, qui surviennent de façon imprévisible, épisodes accompagnés de nausées et vomissements et même parfois de diarrhées. Ils résultent d’un dérèglement momentané de la fréquence des décharges électriques que génère l’appareil vestibulaire. La neuroprothèse de l’équipe Rubinstein vise à contrôler ces dérèglements.
Depuis le milieu des années 80, il est possible de redonner une audition aux sourds profonds dont la cochlée ne fonctionne plus par un « implant cochléaire ». Cette prothèse est faite d’un microphone, d’un processeur électronique transformant les sons en signaux électriques, en remplacement de la cochlée, et d’électrodes implantées chirurgicalement au contact du nerf auditif. Certes, l’implant cochléaire ne redonne pas une audition « normale » mais son efficacité est illustrée par le fait qu’il permet aux sourds de communiquer par téléphone, aux enfants nés sourds d’acquérir le langage et d’être intégrés dans les écoles, etc… Au vu de ce succès et des rares incidents liés à la mise en place des électrodes par chirurgie, il semblait logique de développer un implant vestibulaire, sur un modèle identique, pour restituer la fonction d’équilibre aux patients souffrant d’une perte bilatérale de la fonction vestibulaire.
Un des premiers à y avoir pensé est un physiologiste de l’université Harvard à Boston (USA), Daniel Merfeld. D’emblée, et c’est encore le cas aujourd’hui, il est apparu raisonnable de tenter de restituer d’abord la fonction des trois organes canalaires, les canaux semi-circulaires, sensibles aux accélérations angulaires de la tête autour des trois axes de l’espace, mouvements qu’on fait par exemple pour dire « oui », « non », ou « bof », et de ne pas s’occuper, pour l’instant, des deux organes otolithiques sensibles aux accélérations linéaires, vers l’avant, l’arrière, le haut, le bas, la gauche et la droite. Daniel Merfeld publia les premiers résultats de ses expériences chez l’animal en 2000 [10].
Quelques années plus tard, ce fût au tour de l’équipe de Charley Della Santina de l’université Johns Hopkins à Baltimore (USA) de mettre en route un programme identique, objet d’une première publication en 2005 [11].
Toutefois, en 2002 déjà, les résultats obtenus par Daniel Merfel chez l’animal étaient suffisamment convaincants pour envisager un programme de recherche chez l’homme. Il fallait donc adjoindre à son équipe un médecin ORL intéressé par les vertiges et maîtrisant la chirurgie de l’oreille. Nelson Yuan-Sheng Kiang (fondateur et ancien directeur du Laboratoire Eaton-Peabody de physiologie auditive à la Massachusetts Eye and Ear Infirmary, professeur émérite d'otologie et de laryngologie à la Harvard Medical School, au Massachusetts Institute of Technology, en neurologie au Massachusetts General Hospital et administrateur de la Massachusetts Eye and Ear Infirmary) dont les travaux sur le codage sonore dans le nerf auditif ont permis le développement de l’implant cochléaire, a suggéré à Daniel Merfeld de me contacter. Ainsi, je suis retourné pour quelques mois aux Etats Unis où je ne pouvais pas rester plus longtemps, pour des raisons personnelles. C’est pourquoi, une fois le plan de recherche mis au point, il a été décidé que la recherche chez l’homme débuterait à Genève où des membres de l’équipe de Daniel Merfeld sont venus nous rejoindre sporadiquement, selon les besoins.
Avant toute chose, il a fallu obtenir l’autorisation des comités d’éthiques. Bien entendu, le comité d’éthique de Genève devait donner son aval puisque les expériences auraient lieu aux Hôpitaux Universitaires de Genève. Mais il fallait aussi obtenir l’accord du comité de Boston, les américains n’ayant pas le droit de participer à des expériences chez l’homme sous la seule gouverne du pays hôte. Chaque comité ayant ses propres exigences, aussi sévères à Genève qu’à Boston, l’obtention des autorisations prit plus d’une année.
Première étape
La première tâche consistait à déterminer le, ou les sites d’implantation des électrodes. Puisque l’insertion des électrodes de l’implant cochléaire dans la cochlée cause parfois une perte de la fonction vestibulaire, il a été pensé que l’inverse pourrait se produire, une perte d’audition liée à l’insertion des électrodes dans les canaux semi-circulaires. Afin de limiter le risque de détérioration de l’audition par l’ouverture de l’appareil vestibulaire, des approches chirurgicales originales ont été mise au point pour placer les électrodes non pas dans les canaux semi-circulaires mais au contact des branches du nerf vestibulaire qui en émergent. On parle alors d’insertion extra-labyrinthique des électrodes [12, 13].
Oreille droite : L’appareil vestibulaire (en jaune) est dans la partie la plus profonde de l’oreille, au-dessus de la cochlée. |
Appareil vestibulaire : (a) canaux semi-circulaires |
Electrodes Une est au contact du |
Electrodes Il y a une électrode au contact de l’organe sensoriel de chacun des 3 canaux semi-circulaires. |
Une fois la maîtrise de ces approches chirurgicales acquise, des expériences réalisées chez 6 volontaires au cours de chirurgies de l’oreille en anesthésie locale ont permis de démontrer qu’il était possible de générer des réflexes vestibulaires adéquats en stimulant électriquement ces rameaux nerveux [14, 15] et que 2 électrodes devraient être suffisantes, l’une pour coder des mouvements verticaux, l’autre des mouvements horizontaux [16]. Plus tard, il a été démontré qu’il était possible d’obtenir des réponses vestibulaires par des électrodes intra-labyrinthique, insérées dans l’ampoule de chacun des 3 canaux semi-circulaires, au contact de l’organe sensoriel [17]. Si le risque de dégradation de l’audition est peut-être un peu plus grand qu’avec l’insertion extra-labyrinthique, le geste chirurgical est bien plus facile et sera accessible à un plus grand nombre de chirurgiens.
Deuxième étape
Elle consistait à redonner à l’oreille interne son rôle de batterie électrique. Ceci impliquait l’insertion à demeure d’électrodes délivrant une stimulation électrique continue à l’appareil vestibulaire. A ce stade, il fallait faire appel à une firme ayant développé des implants cochléaires dont les électrodes avaient démontré leur innocuité de longue date. C’est avec la maison Med El à Innsbruck que s’est fait le meilleur accord. Par prudence, les implantations ont été pratiquées chez des patients souffrant non seulement d’un déficit vestibulaire bilatéral complet mais aussi d’une surdité. Ils avaient donc besoin d’un implant cochléaire et nous avons demandé à la firme Med El de fabriquer un prototype dont quelques électrodes destinées à la cochlée étaient retirées pour être implantées dans l’appareil vestibulaire.
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Il est fait d’un capteur de mouvements vissé au travers de la peau dans l’os du crâne. Le capteur envoie les informations au processeur électronique alimenté par des batteries. Le processeur transforme les informations en signaux électriques et les transmet à un émetteur maintenu par un aimant à la surface de la peau en face d’un récepteur implanté sous l’os du crâne. Le récepteur est connecté à un stimulateur qui envoie les signaux électriques à l’appareil vestibulaire via les électrodes. |
Le processeur pourra être porté derrière l’oreille, comme un appareil acoustique classique. |
Au moment de la restitution de l’activité électrique dans une oreille, on pouvait s’attendre à ce que les patients souffrent d’un violent vertige comparable à celui des patients qui perdent subitement la fonction vestibulaire d’un côté, accompagné d’importantes nausées et vomissements et qui persiste plusieurs jours, jusqu’à ce que le cerveau compense le déficit. C’était bel et bien le cas chez le cochon d’Inde qui mettait plusieurs jours pour s’adapter aux stimulations électriques délivrées par la prothèse [18]. Or surprise, il s’est avéré qu’il ne fallait que quelques petites minutes au cerveau humain pour le faire [19, 20] ! Cette découverte originale simplifiait de beaucoup le développement technologique de l’implant vestibulaire puisqu’il n’était plus nécessaire qu’il fonctionne 24 heures sur 24 et soit étanche. Les patients pourraient le débrancher puis le remettre en fonction sans désagrément majeur pour dormir ou prendre un bain, par exemple. J’en ai tout de suite informé Daniel Merfeld qui, en poursuivant ses travaux non plus sur le cochon d’Inde mais le singe, a observé qu’effectivement, plus on s’approchait de l’homme plus le temps d’adaptation aux stimulations électriques se réduisait. Malheureusement, l’équipe de l’université Johns Hopkins à Baltimore (USA) qui jusque-là n'avait travaillé que sur des cochons d’Inde doutait de la véracité de ces observations et a poussé la firme Med El dont elle avait aussi sollicité la participation à mettre au point une prothèse étanche à l’eau et fonctionnant en continu. Il est indéniable que le fait que Med El aie fait plus confiance au groupe américain, qui n’avait encore aucune expérience chez l’homme, qu’au groupe suisse a retardé le développement de l’implant vestibulaire !
En 2010, Genève a invité l’équipe de Herman Kingma de Maastricht à venir renforcer le groupe de recherche. La collaboration entre les deux institutions continue et le groupe est connu sous l’appellation « Geneva-Maastricht Group ».
Troisième étape
L’étape suivante consistait à moduler l’activité électrique de l’implant par des capteurs de mouvements, l’augmenter lors de rotations de la tête dans une direction, la diminuer lors des rotations dans la direction inverse, comme le fait normalement l’appareil vestibulaire pour générer les réflexes nécessaires au maintien de l’équilibre. De tous les réflexes générés par l’appareil vestibulaire, le plus facile à observer et mesurer est le réflexe « vestibulo-oculaire ». Lorsqu’un sujet tourne la tête d’un côté, ce réflexe génère un mouvement compensateur des yeux, de vitesse identique à celle de la tête mais de direction opposée. Ce réflexe permet au sujet de maintenir son regard sur une cible visuelle d’intérêt même lors de mouvements très rapides de la tête. En 2014, l’équipe Genève-Maastricht montrait que ce réflexe pouvait être rétabli par la neuroprothèse [21]. Il est raisonnable de penser que les autres réflexes étaient aussi restaurés, en particulier ceux nécessaires au contrôle de la posture, comme l’équipe le démontrera plus tard [22].
Quatrième étape
Pour démontrer que le développement d’un implant vestibulaire avait un sens, il fallait encore démontrer que les patients pourraient en tirer un bénéfice clinique. Cette démonstration a été basée, elle aussi, sur la restitution du réflexe vestibulo-oculaire. Les patients souffrant d’un déficit vestibulaire bilatéral se plaignent que leur vision devient floue au moindre mouvement au point qu’ils ont des difficultés à identifier le visage des gens qu’ils croisent dans la rue et sont obligés de s’arrêter pour que leur vision redevienne nette. Or, il s’avère que la baisse de l’acuité visuelle à la marche est facile à quantifier. Il suffit de faire marcher les patients sur un tapis roulant et de mesurer leur acuité visuelle et comparer les résultats à ceux obtenus lorsqu’ils sont immobiles. Chez les patients avec un déficit vestibulaire bilatéral, la baisse de l’acuité visuelle à la marche est de 0,13 à 0,28 logMAR, ce qui correspond à une perte d'une à trois lignes sur le tableau de lettres utilisé par les ophtalmologues. La mise en fonction de l’implant vestibulaire s’accompagnait d’une nette amélioration de l’acuité visuelle à la marche chez tous les patients testés. Au pire, une légère perte persistait, de l’ordre d’une ligne sur le tableau de lettres mais certains patients retrouvaient une acuité visuelle identique à celle qu’ils avaient au repos [23]. Ces résultats très encourageants ont été confirmés par la première publication d’une implantation chez l’homme de l’équipe de Baltimore [24].
Etapes à venir
Si le bienfondé du projet d’implant vestibulaire est maintenant clairement établi, plusieurs étapes doivent encore être franchies avant sa mise en application clinique. En voici quelques-unes, données dans le désordre.
Dans toutes les expériences reportées ci-dessus, une seule des électrodes implantées était utilisée. Par conséquent, seuls les mouvements dans un plan de l’espace étaient codés. Pour un résultat optimal, il faudra coder des mouvements dans au moins deux plans, l’un vertical et l’autre horizontal, en évitant des interférences électriques entre les électrodes. L’équipe Genève-Maastricht vient de publier le résultat d’une première expérience dans cette direction [25].
Par prudence, le prototype d’implant vestibulaire n’a été testé que dans des oreilles sourdes. Or beaucoup de patients souffrant d’un déficit vestibulaire bilatéral ont une parfaite audition. Il conviendra donc d’évaluer précisément le risque de déficit auditif lié à la mise en place d’électrodes dans ou à proximité de l’appareil vestibulaire. On peut estimer que l’insertion d’électrodes extra labyrinthiques sera responsable d’un déficit auditif chez moins de quatre pour cent des patients. C’est le chiffre publié par Gacek qui a utilisé une approche chirurgicale identique pour le traitement d’un type particulier de vertiges invalidants chez 252 patients : 9 (3.7%) avaient perdu partiellement ou totalement l’audition dans l’oreille opérée [26]. Qu’en est-il pour la mise en place d’électrodes intra labyrinthiques ? L’évaluation doit encore être faite. Il y a, heureusement, des arguments qui font penser qu’il ne sera pas très élevé [27].
Jusqu’ici, les résultats rapportés ont été obtenus lors d’expériences réalisées au laboratoire. Une fois les expériences terminées, les stimulateurs vestibulaires étaient débranchés. Il faudra maintenant étudier le comportement de quelques patients équipés de la neuroprothèse pendant de longues heures d’abord en les accompagnants hors du laboratoire pour évaluer le risque de chute en cas de panne subite de la prothèse puis en les laissant vivre en totale autonomie avec leur implant pendant plusieurs jours, dans toutes leurs activités quotidiennes.
Le développement actuel vise à restituer la fonction des canaux semi-circulaires mais pas des deux organes otolithiques. La restitution de la fonction des seuls canaux semi-circulaires sera-t-elle suffisante ? D’autre part, l’idée est de poser un implant que d’un seul côté, pour limiter autant que possible les risques liés à la chirurgie d’implantation. Or, le fonctionnement naturel d’une oreille est asymétrique. Ainsi, par exemple, l’appareil vestibulaire droit peut coder des mouvements vers la droite de très hautes vitesses mais est insuffisant pour coder des mouvements vers la gauche au-delà d’une certaine vitesse.
Exemple de conséquence de l’asymétrie fonctionnelle de l’appareil vestibulaire |
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Chez ce sujet, seule le vestibule droit fonctionne |
Il tourne la tête à droite : le réflexe généré par le vestibule droit est efficace et lui permet de maintenir son regard sur ce qu’il regarde. |
Il tourne la tête à gauche : le vestibule droit n’est pas efficace. Les yeux tournent avec la tête … |
… et le sujet doit faire un mouvement brusque des yeux vers la droite pour retrouver ce qu’il regardait. |
Certes, des artifices de codage permettent à l’implant vestibulaire d’atténuer voire d’effacer cette asymétrie de fonction. Toutefois, il s’avérera peut-être qu’un implant dans chaque oreille soit nécessaire pour un résultat optimal.
Un implant vestibulaire pour qui ?
Il est probable que les indications à un implant vestibulaire évolueront au cours des années avec l’acquisition de l’expérience et les développements technologiques comme cela a été le cas pour l’implant cochléaire qui, au départ, n’était indiqué qu’en cas de surdité profonde bilatérale chez l’adulte, puis chez le nouveau-né. Puis les indications ont été élargies aux cas de surdité sévère puis de surdité unilatérale. Il en ira probablement de de même pour l’implant vestibulaire.
L’implant vestibulaire modifiera aussi les stratégies de prise en charge d’autres affections, comme la maladie de Menière, par exemple. Premièrement, aujourd’hui, on hésite à détruire chirurgicalement l’oreille interne responsable d’épisodes de crises invalidantes de vertige. Les hésitations seront moindres lorsqu’on pourra restituer les fonctions auditive et vestibulaire par la neuroprothèse. Deuxièmement, on recourt parfois à une section du nerf vestibulaire, en gardant intact le nerf auditif. Ce procédé sera sérieusement remis en question puisque la section du nerf coupe aussi toute possibilité de restitution d’une fonction vestibulaire par une neuroprothèse !
Il trouvera peut-être aussi des indications dans d’autres affections neurologiques, comme l’hémi-négligence (affection dans laquelle les patients « n’enregistrent » pas ce qui se passe sur le côté gauche de leur champ visuel) dont les troubles sont moins marqués lors de stimulations vestibulaires artificielles [28].
Enfin, il servira aux chercheurs ! La plupart des connaissances du rôle du système vestibulaire dans la gestion de l’équilibre ont été acquises par l’observation des troubles consécutifs à une mauvaise fonction de l’appareil vestibulaire. L’implant permettra de regarder par ‘l’autre bout de la lorgnette’ en observant ce qui se passe lors de la restitution de la fonction. On a déjà observé que les capacités d’adaptation de l’humain à la restitution de l’activité électrique dans une oreille était beaucoup plus efficace que ce que laissaient présager les connaissances acquises jusque-là [19, 20]. Il permettra aussi de délivrer des informations de mouvements sans bouger le sujet ou d’induire des décalages entre stimulations vestibulaires et visuelles ou proprioceptives pour mieux comprendre certains troubles, comme des formes de mal des transports qui pourraient résulter de tels décalages [29].
Un implant vestibulaire pour quand ?
Aujourd’hui, la firme Med El est bien impliquée dans le développement de la neuroprothèse. Elle a offert un nouveau prototype d’implant vestibulaire à notre groupe qui devait le tester durant l’été 2020. Malheureusement, en raison de la pandémie de Covid-19, l’occupation des salles d’opérations a été chamboulée, non seulement au printemps, mais pendant toute l’année. Ainsi, l’implantation de ce nouveau prototype n’a pas pu avoir lieu. Il est difficile de prévoir quand elle pourra se faire et quand le programme de développement pourra pleinement reprendre. J’espère raisonnable d’envisager une application clinique d’ici 4 ou 5 ans. En tous les cas, l’équipe y travaille. D’ici là, on ne peut que souhaiter « courage » à tous les patients et patientes affectés d’un déficit vestibulaire bilatéral.
Remerciements
Le groupe Genève-Maastricht a été ou est financé en partie par la Communauté européenne (7e programme-cadre, thème 3, Technologies de l'information et de la communication), le Fonds national suisse de la science Sinergia et la firme Med El, Innsbruck, Autriche.
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Association Française de Vestibulopathie Bilatérale idiopathique : AFVBI
https://www.afvbi.info
Association Suisse du Déficit Vestibulaire Bilatéral
https://asdvb.ch
Société Internationale de Rééducation Vestibulaire : SIRV
Société Française de Kinésithérapie Vestibulaire : SFKV
https://www.alliance-maladies-rares.org
La liste ci-dessous n’est pas exhaustive. Elle est constituée des professionnels avec qui l’AFVBI travaille de façon régulière.
Le malade peut consulter son ORL local. De plus, en 2022, un centre de référence (CRMR) à Paris sous la direction de Dr Charlotte HAUTEFORT et un réseau de centres de compétence soins maladies rares (CCMR) dédiés aux vestibulopathies sont en voie de constitution.
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Cette publication est le résultat d’une formidable et belle aventure humaine mêlant malades, professionnels de santé et chercheurs multidisciplinaires. Commencée en 2003, cette recherche régulière, qui s’internationalise de plus en plus, contribue à l’amélioration des connaissances et de la prise en charge des malades.
Nous remercions chaleureusement :
Grâce à leur engagement, leur implication, ils ont réussi à permettre à de nombreux patients d’identifier leur pathologie, de sortir de l’isolement, de partager leur expérience, de mieux surmonter les difficultés dues à leurs problèmes d'équilibre.
Nous remercions aussi :